Voilà une belle surprise ! Un livre sur le football, qui en parle sans le réduire à ses événements, sans surcôter ni idolâtrer ses acteurs, sans rien rajouter d’inutile et de redondant à ce monde resté enchanteur et enchanté aux yeux de beaucoup d’entre nous.
Nous voulons parler ici d’un livre de contenu, et de grande tenue. Dans le monde de la librairie, on appelle ça un livre de fonds, terme qui désigne ces ouvrages qui font autorité sur le sujet qu’ils visent, et porteurs d’une nature intemporelle.
Il y est question du langage du football, langage universel à lui tout seul, des mots et des expressions par lesquels on s’efforce d’illustrer ses faits et gestes.
C’est un livre qui s’adresse tout à la fois au profane s’agaçant de ne pas comprendre des expressions lâchées au cours des commentaires d’un match suivi à la télévision, ou à la radio, mais il conviendra aussi aux autres pour le plaisir du langage, du verbe, la justesse dans l’art difficile de la description appliquée sur ce vocabulaire imagé.
Mais ce livre, c’est son grand mérite, sa grande subtilité, ne s’adresse pas exclusivement aux profanes.
La lecture offrira aux passionnés l’occasion d’un dialogue intérieur avec les auteurs autour de leur travail de précision. Cette action, vous la décririez comment ? Êtes-vous d’accord avec la version des auteurs, sauriez-vous comme eux ajouter l’humour à ce travail d’orfèvre, car au-delà du sérieux avec lequel le trio s’est attaché à la rédaction de l’ouvrage, on y rit beaucoup, par les temps qui courent c’est loin d’être négligeable.
Et puis, quel que soit son degré de connaissance du foot on y apprend des choses. Je ne connaissais pas l’expression Flip-Flap qui semble se rapprocher du double-crochet accompagné d’une double orientation du corps, mais je ne partage pas par contre leur définition du mot Crochet.
Saviez-vous qu’on utilisait déjà l’expression Aile de Pigeon dans les années 30 ?
On peut rencontrer des points de désaccord. L’expression Buts Venus d’Ailleurs est née selon Michel Denisot sur le plateau des premiers Téléfoot, mais je me souviens que Stade 2, émission antérieure à Téléfoot l’utilisait déjà comme titre d’une rubrique à l’intérieur de la séquence football de cette messe du sport le dimanche soir, avec Bernard Père au commentaire. Mais peut-être est-ce ma mémoire qui déconne.
Quant à l’expression Café-Crème, tout comme Sombrero ou Coup du Foulard, il me semble que c’est Jean-Michel Larqué qui les a fait entrer dans les commentaires. Les commentateurs avant que cet ancien et glorieux professionnel ne leur apporte sa collaboration s’aventuraient très peu côté jargon technique ou tactique.
Vous pourrez lire ce livre de manière purement linéaire en descendant l’alphabet, et vous sourirez comme moi que les deux auteurs du Sud fassent commencer l’ouvrage par À Jamais les Premiers, mais vous pourrez choisir aussi le feuilletage au hasard, la promenade non balisée, en électron libre, et vous vous régalerez de la même façon.
Saluons la volonté des auteurs de se montrer inclusifs, rappelant que désormais les femmes font partie du jeu.
Mettez ce livre dans votre bibliothèque, vous y reviendrez souvent, et si comme moi vous boycottez cette Coupe d’Immonde qui va commencer dans cet état tyran qu’est le Qatar, il vous aidera à passer le temps car vous n’êtes pas prêts d’en faire le tour. C’est un livre riche.
Un beau trio à la conception de ce En plein dans la lucarne. Deux scientifiques du langage avec Médéric Gasquet-Cyrus, sociolinguiste bien connu grâce à ses chroniques quotidiennes sur les ondes de France Bleu Provence, professeur à l’Université d’Aix-Marseille et Arnaud Richard, linguiste à l’Université de Toulon, président du groupe d’experts en terminologie du ministère des sports. Michel Denisot apporte ses anecdotes, ses souvenirs et son regard amusé sur ce petit monde. On ressent un véritable équilibre et une belle harmonie entre les trois contributeurs, ce qui rajoute du plaisir à la lecture.
En Plein Dans La Lucarne. Michel Denisot, Médéric Gasquet-Cyrus, Arnaud Richard. Éditions Le Robert 17,90€
Pour terminer, je me réjouis que les auteurs aient pensé à citer Roger Magnusson à propos de l’expression Casser les Reins. Je me demande si je n’y serais pas un peu pour quelque chose.
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B. Audibert