Matthieu Franceschi est allé à Rosario, en Argentine, pour découvrir les terres et le club de cœur de Marcelo Bielsa, les Newell’s Old Boys. A travers plusieurs chroniques, Matthieu nous fait partager son aventure hors du commun…
Partie 1 : Newell’s Old Boys, histoire et lexique
Douze jours en Argentine. C’est très court pour découvrir toutes les richesses footballistiques de ce pays. Mais j’avais un but précis, découvrir la terre natale de Marcelo Bielsa, Rosario, découvrir son club de cœur, les Newell’s Old Boys, et aller à la rencontre des « hinchas » de Newell’s qui le considèrent comme une véritable icône.
Avant toute chose, je tiens à remercier les premiers supporters marseillais qui sont déjà allés sur Rosario avant moi, qui ont laissé une magnifique impression sur place et qui m’ont, du coup, permis d’être accueilli d’une façon remarquable.
J’ai envie de partager cette semaine riche en émotion et en surprises. Grâce à Marcelo Bielsa, Newell’s est devenu plus célèbre du côté de Marseille. Grâce à Marcelo Bielsa, les supporters de l’OM ont une belle côte de popularité du côté de Rosario. Sachez que la ferveur et la passion du Vélodrome, les différents messages et tifos des supporters olympiens en hommage à Bielsa ne sont pas passés inaperçus de l’autre côté de l’Atlantique. Je n’aborderai volontairement pas dans mon récit tout ce que représente Bielsa à Newell’s et le regard du peuple « Rojinegro » sur son passage à Marseille. Je réserve cet aspect pour un projet futur sur lequel je travaille depuis plusieurs semaines.
Après avoir passé les trois premiers jours de mon séjour sur Buenos Aires, je suis arrivé à Rosario, troisième ville d’Argentine d’environ 1 300 000 habitants. Rosario vit pour le football et possède deux clubs dans l’élite : les Newell’s Old Boys… et l’autre. Il m’est désormais impossible de prononcer le nom du second club. C’est la première chose que les « hinchas » de Newell’s m’ont apprise. Ils appellent leur rival « Sina », le diminutif de « Sin Aliento ». J’ai tellement vécu une histoire forte en émotions avec les « Rojinegros » tout au long de la semaine que j’ai littéralement déteint sur eux. Donc, si certains lecteurs ont des sentiments pour « Sina », les yeux risquent de leur piquer au fil des mes chroniques consacrées à mon aventure à Rosario.
La rivalité est tellement forte entre les deux clubs que la ville est littéralement coupée en deux. Chaque coin de rue est balisée pour marquer son territoire : soit les poteaux, panneaux et murs sont peints en rouge et noir, soit en jaune et bleu. C’est surréaliste. La rivalité ne se limite pas à l’approche du match, elle est permanente. La haine est perceptible et je ne sais pas comment ils font pour cohabiter. Nous connaissons tous le Superclásico entre River et Boca. Le Clásico des « touristes » s’amuse-t-on à plaisanter du côté de Rosario. Le Clásico le plus vieux d’Argentine est le Clásico Rosarino et c’est certainement le plus explosif du pays. J’ai senti la pression montée au fil des jours car, hasard du calendrier, ma semaine sur Rosario précédait le premier Clásico Rosarino de la saison. Désormais, je comprends mieux pourquoi Marcelo Bielsa avait dit un jour à un de ses joueurs que pour remporter le Clásico, il était prêt à se couper un doigt si on lui assurait la victoire.
Dès mon premier contact avec les « hinchas », l’histoire du club m’a rapidement était racontée. Le championnat argentin a toujours été très complexe au niveau de son organisation. Du coup, les palmarès peuvent différer selon l’interprétation qu’on leur donne. Du côté des Newell’s, sept titres de champion sont comptabilisés, d’où les sept étoiles apparaissant à l’entrée du stade. Les faits marquants de leur histoire sont gravés, à travers des photographies, sur les murs de leur stade, « El Coloso del Parque », rebaptisé « Estadio Marcelo Bielsa » en 2009. Je fais une petite parenthèse olympienne, une telle idée serait merveilleuse sur les façades du Stade Vélodrome mais elle est malheureusement impossible à concrétiser puisque du côté de Marseille, le stade n’appartient pas au club.
Dans cette première partie, afin de planter le décor, je vous propose un petit historique des Newell’s Old Boys ainsi qu’un petit lexique qui regroupe différentes expressions que je vais utiliser au fil de mes chroniques.
HISTOIRE DES NEWELL’S OLD BOYS
1884 : Isaac Newell fonde à Rosario un collège anglo-argentin et commence à y faire jouer au football en utilisant le premier règlement importé d’Angleterre. Une grande première en Argentine. Il est considéré comme l’un des pionniers du football argentin.
1903 : Claudio Lorenzo Newell, fils d’Isaac Newell, accompagné d’un groupe d’étudiants issus de l’école de son père, fonde le Club Athletic Newell’s Old Boys. L’expression « Old Boys » signifie « diplômés », la naissance du club peut clairement être interprétée comme une continuation de l’école créée en 1884.
18 juin 1905 : les Newell’s Old Boys gagne 1 à 0 le premier Clásico Rosarino de l’histoire.
1974 : Le premier titre de champion des Newell’s Old Boys est le titre dont le club est le plus fier puisqu’il a été acquis sur le terrain de « Sina » lors de la dernière journée, après une égalisation dans les dernières minutes de Mario Zanabria. L’humiliation suprême pour « Sina », voir son ennemi sacré champion sur sa pelouse ! De nombreux « Rojinegros », même de la nouvelle génération, ont d’ailleurs le chiffre 74 tatoué. Parmi les nombreux cadeaux qui m’ont été offert, un t-shirt représente ce fameux sacre de 74 où l’on voit une illustration du buteur Mario Zanabria qui monte sur le grillage du parcage des « Leprosos ».
1988 : Second titre de champion de Newell’s. La même année, le club atteint la finale de la Copa Libertadores.
1990 – 1991 – 1992 : L’ère Bielsa. Avec Marcelo Bielsa entraîneur, Newell’s va remporter trois titres coup sur coup et atteindre une nouvelle fois la finale de la Copa Libertadores. Marcelo Bielsa a laissé un héritage moral et sportif indélébile dans la mémoire collective de l’institution au point d’en devenir l’icône principale du club. La fameuse scène où Bielsa fête un des titres en criant « Newell’s carajo! », maillot du club à la main, est l’image symbolique de la glorieuse ère Bielsa qu’on peut retrouver sur des fresques, des t-shirts, des casquettes ou en tatouage.
1993 : Maradona à Newell’s. Véritable dieu dans son pays, c’est à Newell’s qu’ « El Pibe de Oro » fait son retour en Argentine après ses passages à Barcelone, Naples et Séville. La présentation de Maradona s’est déroulée dans un stade plein avec plus de de 40 000 « hinchas ». Même s’il y jouera très peu, son passage à Newell’s est une marque de reconnaissance pour le peuple « Leproso ». Depuis, Maradona n’hésite pas à montrer son affection pour Newell’s notamment avant les Clásicos Rosarinos. Plusieurs chants « Rojinegros » font allusion à Maradonna, la tribune de « La Hinchada Mas Popular » porte son nom et une magnifique peinture illumine l’entrée de la tribune populaire où il est surnommé « D10S ».
De 1980 à 2002 : Le numéro 22 est sacré pour les « Leprosos ». C’est le nombre d’années où « Sina » ne s’est pas imposé dans le Clásico Rosarino sur la pelouse de Newell’s.
2004 : Sixième titre de Newell’s. Lors du dernier match, 40 000 « Leprosos » vont se déplacer au stade « La Doble Visera » d’Independiente pour fêter le titre. 40 000 visiteurs, c’est toujours, à ce jour, un record historique en Argentine ! Les « Rojinegros » sont très fiers de cet exploit que l’on peut entendre dans certains chants.
2013 : Septième et dernier titre de Newell’s dans l’ère professionnelle de l’AFA. Un titre notamment obtenu avec des joueurs issus du centre de formation de Newell’s de retour au club après une carrière en Europe comme les anciens marseillais Gabriel Heinze et Lucas Bernardi.
LEXIQUE
« Los Leprosos » / « La Lepra » : Dans les années 1920, un match de charité pour recueillir des fonds au profit de la lutte contre la maladie de la lèpre devait être organisé entre les deux clubs rivaux de Rosario. Le club de Newell’s accepte de faire le match, l’autre club refuse. A partir de là, les supporters et joueurs de Newell’s seront surnommés « les Lépreux », le club sera surnommé « La Lèpre ». Le second club de Rosario sera surnommé quant à lui « Les Canailles ».
« Los Rojinegros » : Un des surnoms donnés aux supporters de Newell’s qu’on peut facilement traduire en français par « les rouge et noir ».
« Hinchas » : Le mot argentin de « supporters ».
« La Hinchada Mas Popular » : L’unique Barra (groupe de supporters) de Newell’s.
« El Coloso del Parque » : L’ancien nom du stade de Newell’s rebaptisé en 2009 « Estadio Marcelo Bielsa ». Le stade se situe dans le « Parc de l’Indépendance » en plein coeur de Rosario.
« Sin Aliento » : Nom donné par les supporters de Newell’s au second club de Rosario, leur rival historique. N’employant jamais le nom exact (je respecterai ce principe dans mes chroniques), les supporters de Newell’s le remplace systématiquement par « Sin Aliento » ou par le diminutif « Sina ». En français, on pourrait traduire ce surnom par « Je n’encourage pas ». Pour imager l’expression « Sina », un Leproso m’expliqua : « Eux, ils ne chantent pas, ils parlent ». Une expression est également très courante : « Nunca seré Sin Aliento… Jamás ! » (Je ne serai jamais un « Sin Aliento »… Jamais !)
« El màs grande del interior » : Expression souvent utilisée qui veut dire que Newell’s est le plus grand club de l’intérieur de l’Argentine (hors Buenos Aires).
« Mi mayor orgullo » : Expression accompagnant le titre de 1974 acquis sur la pelouse de « Sina ». La traduction est explicite : « Ma plus grande fierté ».
Le décor maintenant planté, le récit de mes aventures débutera dès la prochaine chronique.
Matthieu Franceschi.