Pilier du Marseille Champions Podcast, Yannis publiera désormais, à l’envie, à l’inspiration, ses billets sur l’OM sur Football Club de Marseille…
Dans la cité aux 2600 ans d’histoire, les hivers drainent toujours leur lot de mélancolie. Silencieux et vide depuis de trop longs mois, le Vélodrome ressemble à un vaisseau abandonné posé sur l’asphalte jadis brûlant d’humanité. À Marseille, la vérité du jour n’est jamais celle du lendemain, et à l’enthousiasme suscité par le retour en Ligue des Champions a vite succédé le chaos sportif le plus total. Total Kheops. C’est sans doute la vérité d’une ville et d’un club où rien ne semble pouvoir durer, où tout s’embrase et se consume en un rien de temps, comme une bourrasque de Mistral emportant avec elle les rêves nés d’amours frénétiques. Pourtant, au royaume de l’éphémère perdure un amour indéfectible et sans commune mesure : celui de l’OM.
La saison de nos olympiens et les minces espoirs qu’elle suscitait ont pris fin un soir de décembre à Rennes suite à l’expulsion contestable du jeune Pape Gueye par Clément Turpin, alors que l’OM venait de livrer une demi-heure d’un football plutôt abouti et convaincant. Un coup d’arrêt brutal, sportif et mental, dont nos olympiens ne se relèveront pas, et qui s’avérera fatal à l’aventure d’André Villas-Boas à la tête du navire olympien. Alors que Nasser Larguet œuvre désormais pour sauver ce qui peut l’être et nous permettre d’atteindre les places d’honneur en fin d’exercice, l’OM semble jouer sa saison sur un autre volet : celui de l’avenir de ses tribunes.
Marseille n’est pas simplement une ville, c’est un mythe. La légende raconte que les marins grecs qui débarquèrent sur les rives du Lacydon il y’a plus de 2600 ans ornaient leur embarcations à l’effigie de la déesse Artémis. Insoumise et rebelle, fille de Zeus et sœur d’Apollon dans la mythologie grecque, la déesse de la chasse et de la nature sauvage est depuis naturellement devenue la déesse protectrice de la ville de Marseille. Sa personnalité farouche et indomptable reflète parfaitement l’identité marseillaise. L’OM et la cité phocéenne viennent de vivre des jours qui resteront gravés dans l’histoire. Fidèle à la devise de sa ville, « Actibus Immensis Urbs Fulget Massiliensis », le peuple marseillais tout entier s’est dressé par la plume et par le verbe face à la menace déguisée de Jacques-Henri Eyraud et Hugues Ouvrard d’aseptiser les travées du Vélodrome.
Si le malaise qui entourait l’OM était déjà palpable et pas seulement sportif, mais aussi économique et existentiel, notre club semble être dans une phase obscure de son histoire. Sportivement le club navigue à vue, vivote à travers des cycles de plus en plus courts, pendant que les projets et partenariats extra sportifs s’amoncellent. Comme devenus prioritaires. L’état des finances inquiète. L’aseptisation des tribunes s’inscrit-elle dans un projet de passation du club dont certains parlent et que beaucoup semblent espérer ? Est-ce le prix à payer pour enfin voir l’OM changer de dimension et évoluer en première division financière européenne ? Ou résulte t-elle de l’obstination d’un homme, incapable de comprendre cette ville et désireux d’y appliquer sa vision entrepreneuriale coûte que coûte ?
« Un ouvrier travaille, un supporter ressent » Marcelo Bielsa, rapportant les propos de Leo Beenhakker.
Nous sommes Marseille. La beauté de cette ville ne se découvre qu’à travers le partage et les échanges. Marseille n’est belle qu’à travers son humanité et ses excès. C’est beau de voir aujourd’hui Marseille en lutte, le peuple olympien de partout dans le monde dire non à cette vision américaine du sport et se refuser à voir disparaître une certaine idée de l’OM, populaire et fiévreuse. Dire non à cette version édulcorée de l’OM, voulue par Jacques-Henri Eyraud depuis le début, où nous supporters serions considérés comme de banals clients d’une grande entreprise. On ne consomme pas l’OM, on le vit. C’est un héritage culturel ancré en chacun de nous.
Vaste cité bitumée, Marseille à la particularité d’être fondée sur le mythe d’une histoire d’amour. Celle de Gyptis et Protis. En terre de Phocée, l’amour est une composante essentielle. À Marseille, la haine de l’autre n’a pas sa place. C’est une terre d’amour, d’amitié, de tolérance et d’espoir. Marseille n’oublie aucun de ses enfants. Comme un symbole, justice vient d’être enfin rendu à la mémoire du jeune Ibrahim Ali lâchement abattu par des sympathisants du FN en février 1995. L’avenue des Aygalades porte désormais son nom. Le romancier Jean-Claude Izzo, qui lui dédia son roman intitulé Chourmo, second volet de célèbre trilogie, serait fier de sa ville. Quand on fait grandir Marseille, elle sait vous le rendre au centuple. Tel un reflet, c’est l’amour de l’OM qui guide chacun de nos actes et chacun de nos chants. Ce club est le berceau de notre vivre ensemble. Nous ne laisserons rien ni personne nous expliquer comment l’aimer.
Pour l’heure, l’OM se cherche sur le terrain un nouveau guide. L’ancien sélectionneur argentin Jorge Sampaoli sera t-il celui-ci ? Saura t-il transmettre caractère et allant offensif à un effectif en fin de cycle ? Saura t-on bâtir et capitaliser sur sa philosophie pour bâtir un OM à notre image, audacieux et conquérant ? Le prochain « messie » aura la lourde de tâche de rendre fierté et plaisir aux amoureux de l’OM, prêts à tous les sacrifices pour continuer de scander leur amour du maillot blanc dans l’enceinte du boulevard Michelet, de manière festive, fiévreuse et bordélique. Il ne saurait en être autrement.
Actibus Immensis ou rien.
Yannis
@B_Yannis_