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« Les supporters doivent laisser leur rivalité de côté pour survivre et s’unir face à la répression »

Par Matthieu Franceschi - Mis à jour le - Publié le
Matthieu Franceschi

CHRONIQUE – CARTE BLANCHE POUR MATT

 

 

Chaque mardi, Matthieu Franceschi, l’un des supporters olympiens les plus influents de ces dernières saisons, a carte blanche. Cette semaine, l’ex porte-parole des South Winners évoque la répression qui touche le mouvement ultra en France depuis plusieurs saisons…

 

 

« J’ai vu l’accueil des supporters visiteurs se dégrader et les libertés disparaître »

 

Certaines figures des virages du Vélodrome sacrifient leur vie depuis 30 ans pour l’amour de l’Olympique de Marseille. Mon histoire n’arrive pas à la cheville de ces monuments du supportérisme marseillais. A mon niveau, j’ai essayé de donner le maximum, sans retenue, dans l’organisation du groupe, dans la création des tifos, dans les déplacements. J’ai vécu six années intenses au coeur des South Winners. Intenses par les émotions, intenses par le sacrifice. J’ai enchaîné les déplacements à travers la France et l’Europe, certainement ce qui me manque le plus depuis mon départ du groupe. Avaler les kilomètres en bus, avoir cette fierté d’aller représenter ses couleurs loin de ses bases, de protéger son matos, sa bâche, de chanter à l’unisson dans les parcages, de mouiller le maillot et de sentir ses épaules brûler pour faire flotter son drapeau monté sur canne à pêche pendant 90 minutes… Au milieu de tous ces souvenirs impérissables, j’ai vu l’accueil des supporters visiteurs se dégrader et les libertés disparaître de saison en saison. L’étau s’est resserré à une vitesse incroyable.

 

 

« Ça oublie volontairement de porter une analyse juste sur toutes ces associations de supporters »

 

Aujourd’hui, tous ces passionnés qui sacrifient un peu de leur vie chaque semaine par amour de leur club, du football et du mouvement ultra, sont volontairement poussés par la sortie par certains clubs, par la LFP et surtout par les pouvoirs publics. Certains médias jouent aussi un rôle très négatif. Certes, des incidents liés aux supporters existent mais le prorata reste minime quand on sait que chaque semaine des milliers de fans sillonnent la France pour aller encourager leur équipe. Peu importe, certains en profitent pour faire du sensationnel. Ça oublie volontairement de porter une analyse juste sur toutes ces associations de supporters qui, en plus de faire vivre et d’animer les stades d’une Ligue 1 pitoyable, jouent un rôle au quotidien dans la vie associative de leurs villes respectives. Je suis très bien placé pour parler de ce dernier point. Les South Winners ont toujours été un vecteur très actif dans la vie sociale et culturelle de Marseille et plus particulièrement de la Belle-de-Mai, l’un des quartiers les plus pauvres de la ville. Toutes les actions menées par le groupe « hors football » ont rarement intéressé la presse locale ou nationale.

 

 

« Les incidents OM/PSG de novembre 2009 dans les rues de Marseille étaient voulus par les pouvoirs publics »

 

 

La politique répressive dans les stades en France est étroitement liée à l’attribution de l’Euro 2016. Une politique qui a débuté sous l’ère Sarkozy et qui s’est même amplifiée sous l’ère Hollande. Mais tout a été préparé judicieusement en amont. En septembre 2009, Brice Hortefeux, alors Ministre de l’Intérieur, évoque la volonté de créer une police anti-hooligans. Comme par hasard, quelques jours plus tard, le 25 octobre 2009, sur 2000 supporters parisiens attendus au Vélodrome pour le choc OM/PSG, 800 sont étrangement autorisés à se déplacer par leur propre moyen, la majorité arrivant par TGV. Le report tardif du match par la LFP pour cause de grippe aviaire n’a fait qu’amplifier les incidents, mais dans tous les cas, report ou pas, les affrontements étaient inévitables. 800 parisiens lâchés seuls à Saint-Charles. Un peu de sérieux ! Il y avait 100% de probabilité que des incidents éclatent ! Je ne me permettrai pas de remettre en cause l’intelligence d’un Ministre de l’Intérieur, le laxisme des pouvoirs publics ne peut être que volontaire. N’ayons pas peur des mots. Les incidents OM/PSG de novembre 2009 dans les rues de Marseille étaient voulus par les pouvoirs publics.
Evidemment, les médias et le grand public n’ont retenu que les images de violences. Ces vilains supporters. Ces hooligans. Certains diront que rien n’excuse de telles violences. Il y a les faits, certes, et ceux qui sont coupables d’avoir laissé les faits se réaliser. Personne n’a remis un instant la faute sur les pouvoirs publics. Grâce à ces incidents, la cellule anti-hooligan est officiellement créée en novembre 2009 avec à sa tête le commissaire Antoine Boutonnet. Une cellule qui sert avant tout d’objet de communication politique. En période d’état d’urgence, le gouvernement ferait mieux de récupérer tous ces fonctionnaires pour servir utilement l’état.

 

 

« Coïncidence ou pas, la dissolution des derniers groupes parisiens est intervenue un mois avant l’attribution de l’Euro 2016 ».

 

 

En février 2010, pour PSG/OM, les groupes de supporters marseillais boycottent le déplacement au Parc qui sera la scène de violents affrontements entre supporters parisiens avec, malheureusement, un décès à la clef. Plusieurs témoignages noteront la passivité des forces de l’ordre ce soir-là. Depuis plusieurs semaines, le PSG laissait la tension monter entre différents groupes, de nombreux actes racistes étaient passés sous silence. Comme beaucoup, avec du recul, je me pose la question suivante : Et si la dégradation de la situation était réfléchie par le club parisien… mais aussi par certains acteurs politiques au plus haut niveau ?
En avril 2010, le gouvernement va alors prendre une mesure radicale avec la dissolution de toutes les associations parisiennes encore en activité. Une mesure dans la lignée de la politique menée depuis quelques mois par les pouvoirs publics. Coïncidence ou pas, la dissolution des derniers groupes parisiens intervient un mois avant l’attribution de l’Euro 2016. Une décision politique qui, en plus de préparer le terrain à l’arrivée au PSG des Qataris, grands amis du Président Sarkozy, a permis au gouvernement de faire illusion et de montrer médiatiquement que La France était capable de prendre des décisions radicales en terme de sécurité pour préparer au mieux l’Euro 2016.

 

 

« Des supporters sont classés dans un fichier « S » au même titre qu’un combattant djihadiste »

 

 

Le 28 mai 2010, La France est donc désignée pays organisateur de l’Euro 2016, une date qui marque officiellement le début de la politique répressive imposée par le gouvernement dans tous les stades de France. Depuis cette date, à titre individuel, les interdictions de stades se sont multipliées, la moindre occasion est bonne pour sanctionner. Aux sanctions administratives sont parfois venues se rajouter des sanctions pénales. En plaisantant, j’ai souvent dit ces derniers temps qu’en France, c’était désormais moins dangereux de vendre un pochon d’herbes que d’être un ultra. Mais, est-ce vraiment une plaisanterie ? Un exemple des plus frappants qui montre la bêtise des pouvoirs publics : certains supporters, considérés arbitrairement comme des hooligans, sont classés dans un fichier « S » (atteinte à la sûreté de l’Etat ) au même titre qu’un combattant djihadiste connu par les services de renseignements de plusieurs pays. Mais, sérieusement, où va-t-on ?

 

 

« Tout est fait pour décourager les groupes de supporters visiteurs. Tout est fait pour enlever cette notion de fête, de plaisir »

 

 

Ces dernières saisons, on ne compte plus les interdictions de déplacements. Les supporters de chaque club, de Ligue 1 comme de Ligue 2, sont concernés par ces décisions préfectorales abusives qui portent atteintes à la liberté d’aller et venir dont est censé jouir tout citoyen français sur le sol de son pays. Les arrêtés préfectoraux sont souvent une énumération d’absurdités et de cas isolés. Les associations concernées essaient d’entamer des recours devant les tribunaux administratifs, des recours sans cesse rejetés. Du côté des groupes de supporters olympiens, cette pratique onéreuse a été abandonnée ces derniers temps sachant que la partie est systématiquement perdue d’avance. Lors des deux dernières journées de Ligue 1, il n’y avait ni Lyonnais à St Etienne, ni Bordelais à Nantes. Et quand le déplacement est autorisé comme celui des Marseillais à Lyon, un quota limité (800 places au lieu des 3000 prévues par les 5% de la capacité du stade) et des conditions d’accès restreintes sont appliquées. Même le matos ultras est de plus en plus dur à faire rentrer dans les stades. Tout est fait pour décourager les groupes de supporters visiteurs. Tout est fait pour enlever cette notion de fête, de plaisir. Et encore, je ne parle pas de la chasse aux fumigènes considérés de nos jours comme des armes de guerre. Dans les semaines à venir, la tendance ne s’inversera pas, d’autres interdictions frapperont les ultras aux quatre coins de La France. Les clubs défendent de moins en moins leurs propres supporters lors des réunions de sécurité en Préfecture. Tout le monde semble complice de ces abus de pouvoir.

 

 

« Il n’y a aucun rapport entre la Ligue 1 et l’Euro. Tout ce cirque autour de la sécurité est du foutage de gueule politique »

 

 

L’Euro 2016 est une chance pour le football français, pour l’économie du pays, pour la France en général. A l’inverse, l’Euro 2016 sera peut-être la fin des groupes ultras en France. Ne nous voilons pas la face. Une fois l’Euro terminé, la répression sera toujours aussi présente. L’excuse de la sécurité a bon dos. Le vrai problème n’est pas là. Les associations de supporters sont un contre-pouvoir, et cela dérange ceux qui sont au pouvoir et qui mangent main dans la main, des présidents de clubs aux responsables du foot français. Le pire dans tout ça, c’est que la majorité des ultras qui supportent leur club toute l’année, ne sera même pas présente dans les stades de l’Euro. Il n’y a qu’à voir la population des stades quand l’équipe de France joue. La cerise sur le gâteau, c’est que la répression qui frappe les déplacements des supporters, en marge de l’organisation de l’Euro selon les organisateurs, ne sert à rien puisque l’accueil de tous les supporters d’Europe ne se fera pas sous escorte policière et les parcages dans les stades de l’Euro n’existeront pas! Concernant les supporters, il n’y a aucun rapport entre la Ligue 1 et l’Euro. Tout ce cirque autour de la sécurité est du foutage de gueule politique.

 

 

« Les groupes de supporters doivent laisser leur rivalité de côté pour survivre et s’unir face à la répression »

 

 

Quand j’ai appris que La France accueillerait l’Euro 2016, j’imaginais tous ces nouveaux parcages en Ligue 1 remplis de supporters marseillais dans toutes ces nouvelles enceintes rénovées. J’étais loin d’imaginer le sort réservé aux ultras qui ne sont clairement pas les bienvenus dans ces stades flambants neufs. Que deviendraient les stades de Ligue 1 sans la présence et l’animation des ultras de chaque club ? Beaucoup prennent en référence les stades anglais aux tarifs exorbitants sans groupes de supporters. L’Angleterre est un pays de football. Pas la France. Les stades resteraient vides surtout avec le spectacle proposé actuellement. D’autres prennent l’exemple du Parc des Princes. Pendant trois ans, dirigeants parisiens, journalistes et autres responsables du football français ont craché sur le mouvement ultra en nous expliquant que le Parc est mieux de nos jours malgré les tifos ridicules, les sifflets après une passe ratée et un stade dépourvu de toute identité. Il y a quelques jours, ces mêmes personnes se sont indignées des sifflets à la mi-temps du match PSG/Toulouse. N’avez-vous pas honte de critiquer ce que vous avez voulu et glorifié pendant des années ? Avec toutes les casseroles que les Qataris trainent derrière eux, dont notamment l’histoire de l’attribution du Mondial 2022, le jour où ils vont subitement quitter le navire, qui restera-t-il dans votre Parc des Princes ? Dégun ! comme on dit chez nous.

 

Dans chaque club, les ultras sont l’âme des clubs, les garants d’une identité. Les groupes de supporters doivent laisser leur rivalité de côté pour survivre et s’unir face à la répression. C’est facile à dire, plus difficile à faire. Je n’ai d’ailleurs pas réussi à le faire en temps que responsable des South Winners. L’avenir est sombre, mais même en ayant pris du recul, je crois encore à la force des ultras de France et ceux de Marseille. Il faut se battre ensemble.

 

 

Liberté pour les ultras.

Matthieu Franceschi.
@FranceschiMatt

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