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Carte Blanche à Matt

Une semaine aux Newell’s, le club de Marcelo Bielsa – Part 5

Par Matthieu Franceschi - Mis à jour le - Publié le

 

 

Partie 5 : Histoire et préparatifs du « Banderazo Leproso »

 

 

Matthieu Franceschi est allé à Rosario, en Argentine, pour découvrir les terres et le club de cœur de Marcelo Bielsa, les Newell’s Old Boys. A travers plusieurs chroniques, Matthieu nous fait partager son aventure hors du commun…

 

Comme indiqué précédemment, hasard du calendrier, je suis à Rosario la semaine précédent le match le plus important de la saison pour les « Leprosos », le Clásico Rosarino entre les Newell’s Old Boys et « Sin Aliento ». Dans la première chronique consacrée à mon séjour, j’avais expliqué l’importance de ce Clásico dans une ville littéralement coupée en deux.

 

Le grand rendez-vous de la semaine, c’est le « Banderazo Leproso ». Une tradition unique au monde. Tout au long de mon séjour à Rosario, les « Rojinegros » n’ont cessé de me dire que j’allais vivre un instant hors du commun. Mais c’est quoi ce « Banderazo » ?

 

Histoire du « Banderazo »

 

Le 20 juin 1996, environ 500 supporters « Leprosos » décident de se rendre au « Coloso del Parque », ancien nom du stade Marcelo Bielsa, pour assister à l’entraînement des Newell’s avant le Clásico Rosarino. Trois jours plus tard, sur la pelouse de « Sin Aliento », Newell’s gagne 2 à 0, le match est arrêté à la 76ème minute pour jets de projectiles alors que les « Rojinegros » venaient d’obtenir un pénalty. Cette victoire a évidemment incité les « Leprosos » à renouveler l’expérience par superstition.

 

Au fil des années, le « Banderazo » a pris de plus en plus d’importance pour devenir le grand rendez-vous de la saison. Il est en général fixé le jeudi précédent le Clásico. Plus de 20 000 « Leprosos » se rassemblent chaque « Banderazo » pour transmettre aux joueurs, pendant l’entraînement, leur rage de vaincre « Sin Aliento ».

 

L’évènement a pris une telle ampleur médiatique qu’il est, de nos jours, entièrement encadré par le club. Désormais, ce n’est plus un entraînement. Les joueurs rentrent simplement sur la pelouse et assistent pendant une trentaine de minutes au spectacle des tribunes pour s’imprégner de la ferveur de tout un peuple. Au programme, chants, banderoles et pyrotechnie. Les « hinchas » en profitent pour exhiber leurs « trésors de guerre », du matériel volé aux « Sin Aliento » (bâches, voiles, drapeaux…). Le « Banderazo » est un véritable instant de communion entre les joueurs et les « hinchas ». Unique en son genre, l’évènement est devenu une référence en Argentine et dans le monde du football.

 

Au cœur des préparatifs du « Banderazo »

 

Après les deux premières journées sur Rosario, entre le barbecue du samedi soir et le match du dimanche, de réelles affinités se sont créés avec les « Artistas Leprosos ». Jeudi soir a donc lieu le traditionnel « Banderazo ». Tous les soirs de la semaine, le noyau se regroupe pour travailler sur les préparatifs et m’invite à le rejoindre. Une faveur très rare puisque ces moments ne sont réservés qu’à très peu de personne. C’est dans le stade couvert Claudio Newell, juxtaposant le stade Marcelo Bielsa, que se déroule l’essentiel des préparatifs. Les longues coursives, sous les tribunes, permettent d’avoir une superficie suffisante pour réaliser les différents travaux.

 

Comme souvent aux quatre coins du monde, la création des animations, des drapeaux et des banderoles se fait en très petit comité malgré les milliers de supporters le jour du match (ou du « Banderazo » en l’occurrence). C’est le cas chez les « Leprosos », pas plus d’une vingtaine de personnes sont présentes chaque soir. C’est d’ailleurs aussi le cas à Marseille, où les préparations des tifos, quels que soient les groupes, se font en général en comité restreint.

 

Échanges de cadeaux et de savoir-faire

 

Je n’arrive pas les mains vides, mon sac est rempli de cadeaux olympiens. Les « Leprosos » m’ont évidemment gâté à leur tour avec maillots, t-shirts et casquettes de leur club. J’ai également apporté quelques magazines « OM Plus / Massalia 2600 », dont j’étais l’un des rédacteurs et photographes à l’époque, où sont racontés la plupart des tifos de la saison 2014-15 sous Bielsa. Rapidement, une longue discussion va naître autour des tifos marseillais. Car si nous sommes en général très admiratifs des chants en Argentine, véritable référence mondiale, je suis en mesure de vous dire qu’ils sont restés impressionnés par nos tifos, en particulier sur le « retourné » en hommage à Bielsa face à Lille et le fameux XXL face au PSG. Très intrigués par la technique employée, je sors de mon sac les plans des tifos que j’ai réalisé. Un moment fort en émotions. Une fierté en tant que supporter de l’OM de les voir admiratifs de notre stade Vélodrome pour notre savoir-faire. Une fierté aussi personnelle de les entendre me féliciter pour la création des plans.

 

Je leur raconte alors ma situation actuelle, que j’ai pris énormément de recul depuis mon départ du groupe auquel j’appartenais, les South Winners, pour des raisons liées, entre autres, au départ de Marcelo Bielsa et à mon refus de soutenir le président du club de l’époque. Cela ne m’a pas empêché de raconter, avec passion, l’histoire de mon ancien groupe en expliquant notamment les symboles du Che Guevara, né à Rosario, et de la couleur orange, signe d’anti-fascisme.

 

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Les différentes « banderas » confectionnées

 

Revenons aux préparatifs. Les « hinchas » travaillent sur différents supports. Un message est confectionné entièrement à la main. Sur fond noir, les lettres sont découpées une à une, elles s’illumineront dans la tribune avec le craquage de nombreux fumigènes. La « bandera » pour les joueurs est explicite, ils savent quoi faire sur la pelouse lors du Clásico : « Matar al Sin Aliento » (Tuez Sin Aliento).

 

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Cinq toiles en tissu vont être créées pour l’occasion. Chaque « trapo » représente un thème bien ciblé. Tout d’abord, le fameux haut-parleur barré. Ce logo est aussi présent aux quatre coins de la ville. La signification : « Aliento si, parlante no » (encouragement oui, haut-parleur non). Même si le logo est explicite, l’histoire, liée à « Sin Aliento », est complètement hallucinante…

 

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En 2004, lors d’un match entre « Sin Aliento » et Banfield, l’arbitre de la rencontre arrête le match quelques minutes, gêné par des hauts-parleurs. En effet, les « Sin Aliento » utilisaient des enceintes en tribune pour faire croire que c’était la foule qui encourageait ! Une version confirmée par l’arbitre lui-même comme le montre une vidéo. Depuis, le logo est donc synonyme de « Anti Sin Aliento ».

 

 

Autres créations pour jeudi soir, deux toiles ciblent les forces de l’ordre. L’une représente une caméra de surveillance (anti caméra), l’autre un képi (anti police). A Rosario, les « Leprosos » m’expliquent que beaucoup de policiers sont « Sin Aliento ». Le moindre prétexte est bon pour ficher les « Rojinegros », les filmer ou les prendre en photo dans le stade.

 

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Une autre toile fait apparaître un micro barré (anti journalisme) spécialement dédié à un important quotidien de Rosario catalogué « Sin Aliento » : « La Capitale ». Pour ce journal, toutes les excuses sont bonnes pour faire de la propagande contre les « Leprosos » dans leurs articles. Enfin, un cinquième « trapo » avec le sigle « GSF » barré montre l’opposition au gouvernement de la province de Santa Fe, dont Rosario est la capitale. Pour ces deux dernières créations, je n’ai pas eu l’occasion de les photographier.

 

Sentir cette ambiance de travail pendant les préparatifs du « Banderazo » me rappelle la bonne époque, même si je n’ai jamais été un grand manuel, où il m’arrivait de passer de longues heures au local des South Winners ou au Parc Chanot pour préparer les tifos olympiens. Ces instants me manquent…

 

 

Un gros budget pour la pyrotechnie

 

Le « Banderazo Leproso » est connu mondialement pour la forte mobilisation du peuple « Rojinegro » et sa ferveur mais surtout pour l’énorme « craquage » réalisé pendant de longues minutes dans toutes les tribunes du stade. Pour celui à venir, c’est environ 1500 euros d’investis en fumigènes, feu d’artifices et bombes agricoles. Une somme considérable en Argentine. Pas étonnant que tous les supporters attendent cet évènement avec impatience. Habituellement, les « hinchas » assistent au spectacle proposé par les joueurs sur le terrain. Pour le « Banderazo », ce sont les joueurs qui assistent au spectacle proposé par les « hinchas » en tribunes !

 

La convivialité encore et toujours

 

Ça travaille évidemment dans la bonne humeur, les bières fraîches ne sont jamais trop loin. Tous les soirs, une fois le programme journalier des travaux terminé, direction le réfectoire pour partager tous ensemble, comme toujours, le traditionnel barbecue. Un énième moment de convivialité avec toute l’équipe et les autres « hinchas » présents. Impossible de sortir le moindre peso pour participer à l’achat de la viande, chez eux, un invité c’est sacré !

 

 

Du lundi au mercredi, j’ai profité de mes journées à Rosario pour faire un peu de tourisme et continuer à recueillir de nombreux témoignages sur Marcelo Bielsa qui me seront utiles pour un projet parallèle. Les fins de journée, à travers les préparatifs du « Banderazo » et les « parillerros », je continuais à me nourrir de la passion Newell’s et à tisser des liens de plus en plus forts avec les « hinchas».

 

Le jour du « Banderazo » arrive, synonyme aussi de ma dernière journée avec tous mes frères « Leprosos »…

 

À très vite…

 

 

Matthieu Franceschi

 

Partie 1 : Newell’s Old Boys, histoire et lexique

Partie 2 : Les « Artistas Leprosos », hinchas et artistes !

Partie 3 : Le stade Marcelo Bielsa, un lieu de vie pour les socios !

Partie 4 : Jour de match des Newell’s au Stade Marcelo Bielsa

Partie 6 : Au cœur du « Banderazo Leproso »

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