En fin de semaine dernière, un décret sur l’exploitation commerciale de l’image, du nom et de la voix des sportifs et entraîneurs professionnels a été adopté par nos institutions nationales. Ce retour du droit à l’image devrait avoir des répercussions sur le football français.
Pour mieux comprendre comment cette avancée législative pourrait aider l’OM, FCM a contacté Charles Le Lez, chargé d’enseignement en droit fiscal.
Une manière de desserrer la pression fiscale sur les clubs et joueurs
Quels sont les avantages que peuvent tirer les acteurs de la Ligue 1 de cette nouvelle loi ?
Charles Le Lez : « Sans faire un cours, il faut rappeler les particularités françaises. On a un taux record de prélèvements obligatoires par rapport à ce qui est redistribué.
L’impôt dans ce prélèvement obligatoire n’est pas très élevé en France, il est juste très mal réparti. Notamment l’impôt sur le revenu. Les gros revenus, et donc les footballeurs les mieux payés, payent beaucoup puisque s’ajoutent à ça, les fameuses charges sociales. De nombreux pays ont depuis longtemps, l’Allemagne notamment, un plafond qui limite ces charges.
Vous pouvez vous référer aux graphiques plus bas même s’ils datent de 2014, les données ont assez peu bougé.
Source : Rapport UCPF 2014
Pourquoi cette différence parce qu’en Allemagne par exemple, ça plafonne donc. C’est à dire que même si vous gagnez des millions, on ne vous prendra pas plus que le montant maximal prévu. Il y a eu en plus de ça en France la fameuse taxe à 75% en 2012, tout ça est lié. »
Avec le Droit à l’image, on rentre dans une autre catégorie de revenus qui n’est plus salariale…
Charles Le Lez : « En 2014, il y a eu un rapport gouvernemental, le rapport Glavany (ancien ministre des Sports) .
Tous les partis politiques sont arrivés à un consensus pour reconnaître qu’il y avait un problème de compétitivité de l’économie française en général. Ce n’est pas que pour le football d’ailleurs puisque c’est valable dans d’autres secteurs avec des employés à très gros revenus, je pense à la banque par exemple.
Il a été décidé de créer un droit à l’image. De considérer, comme ça se faisait à l’étranger déjà, que lorsqu’un joueur de football, un sportif, signe des contrats publicitaires, il n’y a pas à prendre de charges sociales car ce n’est pas lié directement à son activité de footballeur. C’est lié à sa notoriété, ça continue d’ailleurs parfois même lors de leurs retraites.
L’idée c’est de ne pas imposer de charges sociales sur ces revenus-là. Ce que le décret apporte c’est de préciser les catégories de revenus. Ça fait suite à la loi de 2017, appelé loi Braillard, on en est désormais dans les derniers stades, on attend les conventions collectives. Il va maintenant falloir déterminer plusieurs choses : les montants, sur quelle rémunération ça s’applique mais aussi le plafond pour éviter des abus. Il ne s’agit pas de mettre 90% de la rémunération d’un joueur en droits à l’image qui échappe aux charges sociales… »
Droits à l’image plafonnés à un tiers de la rémunération ?
Parce que lorsque l’on évoque de gros montants salariaux, il y aurait la tentation d’abuser de paiement en droits à l’image…
Charles Le Lez : « Les plafonds qui sont publiés dans Les Échos démarreraient à quatre fois le plafond de la sécurité sociale (un peu plus de 13 000 euros) et pourraient atteindre au maximum un tiers de la rémunération selon Philippe Diallo, directeur général de l’UCPF.
Un tiers, ça reste non négligeable parce que le but, affiché dans le rapport du Sénat, c’est de faire venir en France des joueurs de très grands talents. Que les clubs français puissent aussi attirer des joueurs de classe mondiale. »
Et il n’y aura pas de charges patronales sur ces droits à l’image pour les clubs ?
Charles Le Lez : « Non et à priori, il n’y aurait pas non plus de charges sociales pour le salarié. Il y a une logique juridique ici liée à la notion de travail. Je n’ai pas en tête d’exemple similaire avec l’OM mais lorsque les joueurs du PSG sont sur une pub pour les produits Nivea. C’est peut-être une demi-journée de travail mais c’est surtout une prestation liée à leurs noms, à leurs images.
Si vous mettez la tête de Thauvin, Mandanda ou Rami (puisqu’ils sont champions du monde) sur un paquet de chips, à part poser une journée pour des photos, il n’y aura pas eu de travail. Donc la rémunération sera sans lien avec un travail.
Ça aura un impact sur la qualification fiscale du revenu, ce ne sera pas un revenu salarial. »
Pour être clair, tout n’est pas encore finalisé. Cette disposition ne peut pas être utilisée immédiatement ?
Charles Le Lez : « Juridiquement, c’est applicable mais pas encore sur le plan pratique. Il faut encore définir des plafonds, des montants…
On attend deux choses désormais. Les négociations premièrement, Philippe Diallo dit que ça pourra être très vite intégré à la Charte du Football Professionnel. Ensuite, pour que vraiment ça rentre en pratique, il faut également attendre les circulaires et les instructions des différents ministères concernés. »
Quels sont les délais pour que tous les détails soient réglés ?
Charles Le Lez : « J’ai interpellé sur le sujet sur Twitter sous forme de blague Bruno Belgodère, l’un des dirigeants administratifs du syndicat Première Ligue. Il m’a répondu qu’à priori pour lui ce serait avant la fin de l’année.
Haha Ils ont fait exprès. Bon ceci dit entre le décret et le moment où on va arriver à operationnellement à le mettre en place on sera au minimim aux vacances de Noël.
— Bruno Belgodère 🌟🌟 (@brbelgodere) 4 août 2018
Ça n’empêchera peut-être pas dès la semaine prochaine de faire des pré-contrats, des pré-accords faisant état de ça mais qui seront mis « sous réserve de. »
Dans le pire des cas, ce sera applicable pour le mercato d’hiver. »
Tous propos recueillis par Mourad Aerts