Face à St Etienne, l’OM a remporté son premier gros test de la saison. Mais faut-il s’enflammer pour autant ?
Depuis dimanche soir, ils prolifèrent. On les a d’abord croisé dans les escaliers du Vélodrome, ils se sont dispersés dans tout Marseille, et depuis on les croise partout, dans les bars, chez les commerçants, au bureau et même à la poste. Patientez à la caisse de votre supermarché, l’un d’entre-eux ne va pas tarder à venir se planter derrière vous dans la file d’attente. La minute suivante, il vous prendra à témoin, se présentera de ceux « qui l’avaient toujours dit », se prévaudra de l’expertise des « qui n’avaient pas besoin d’attendre dimanche pour savoir »… Parce que cette race des seigneurs – l’ai-je bien orthographié ?- se juge à l’aune de sa « bonne foi » et tel le résistant de la dernière heure en rajoutera quelques caisses, histoire de faire oublier qu’il n’en menait pas large au soir d’OM Montpellier, quand Courbis et les siens faisaient voler en éclat le millefeuille marseillais en 3-3-3-1.
Que voulez vous, nous sommes comme ça et depuis les Gaulois : Gergovie, on connait, mais impossible de se souvenir ou se trouvait Alesia.
Bref, notre supporter de base, n’avait pas besoin d’attendre la victoire contre St Etienne pour savoir que cet OM-là va le « faire rêver toute la saison », que « la Ligue 1 peut déjà conjuguer le PSG au participe passé » et que n’en déplaise à certain « héritier », le « génie » de l’OM se nomme Bielsa.
Et bien, je vais peut-être vous surprendre mais je ne suis pas loin de penser que rien de tout cela n’est vraiment faux.
Sauf que je n’oublie pas, moi, les débuts poussifs : ce match nul concédé à Bastia alors que le match semblait complètement plié, ce 0-2 humiliant offert à la famille Nicollin en guise d’ouverture de la saison au Vélodrome.
Mais on se souvient aussi que Marcello Bielsa a eu la grande intelligence de changer son système sans abandonner ses convictions. Le 4-2-3-1 -que les Marseillais pratique depuis longtemps comme base de départ- convient sans doute mieux à une défense centrale dont le seul Nkoulou est à sa vraie place. Il a aussi l’avantage de replacer Romao derrière Imbula laissant le jeune milieu exprimer sa créativité avec plus de tranquillité. Mais ce qu’à changé Bielsa, avant tout, c’est qu’aucun système de jeu ne prime sur les valeurs : jeu offensif, pressing haut, replacement défensif immédiat solidarité sans faille de chaque membre du groupe. Et le premier qui faillit à ces règles file immédiatement sur le banc. Allesandrini l’a bien compris, lui dont l’entrée en cours de jeu dimanche soir lui a sans doute fait gagner une place de titulaire à Caen.
Pour le coup, ça joue, bien, ça joue vite, les occasions s’enchainent et Gignac en tête, l’attaque marseillaise aligne les buts.
On est bien loin de la dernière période faste olympienne ou les hommes de Baup alignaient les 1-0.
Et il est plutôt rassurant de voir que Mandanda et les siens sont capables de le faire à Guingamp, et contre Nice mais aussi contre St Etienne.
Puis lire et relire ce classement avec un OM leader et cinq points devant le PSG, c’est un bel onguent sur deux ans de frustration des supporters marseillais.
MAIS…
Ce n’est pas faire du Bielsa-bashing que de considérer qu’il y a un mais. Il y en aurait même plusieurs.
Ce jeu aux valeurs si agréables à regarder réclame une condition physique à toute épreuve. Et l’équipe Bielsa a beaucoup insisté sur le foncier dans sa préparation. N’empêche qu’on a vu dimanche, en deuxième mi temps quelques signes de fatigue. D’autant que depuis qu’il a trouvé son assise, Bielsa ne fait pas beaucoup tourner. L’effectif n’est pas pléthorique et tous les joueurs ne sont pas encore au même niveau de forme, voire ont du mal, comme Thauvin par exemple à retrouver leur rendement habituel. Or, pour jouer les premiers rôles, l’OM aura besoin de tout le monde et à 100%.
Ajoutons que la Coupe d’Afrique des Nations sera vite là et une CAN mal gérée – mais pour bien la gérer il faudra réussir le mercato d’hiver- pourrait désarticuler la belle ossature.
Mais pour toutes ces raisons, foin des « enflammades marseillaises ». Restons calmes.
Et au risque d’encourir une encyclique d’excommunication pour blasphème envers le Dieu Bielsa, je voudrais rappeler que St Michel n’est reconnu archange que parce qu’il a terrassé le dragon. Sans titre, un génie peut tout aussi bien retourner dans sa lampe.
Antonin VIAN (Journaliste à Marseille)