CHRONIQUE – CARTE BLANCHE POUR MATT
Chaque mardi, Matthieu Franceschi, l’un des supporters olympiens les plus influents de ces dernières saisons, a carte blanche. Cette semaine, l’ex porte-parole des South Winners évoque les très graves problèmes de sécurité qui ont mis en danger de mort 80 000 spectateurs lors de la finale entre l’OM et le PSG et que les pouvoirs publics essaient de banaliser…
La « Bonne Mère » n’a pas réalisé de miracle sportivement. Le PSG a logiquement battu l’une des plus faibles équipes de Ligue 1. Mais la « Bonne Mère » a veillé sur les têtes des supporters marseillais et même parisiens. Car, en ce samedi 21 mai 2016, 80 000 spectateurs ont assisté à un match où on pouvait entrer dans le stade comme dans un moulin, armés jusqu’aux dents.
Un pays en état d’urgence, des mesures soi-disant renforcées aux quatre coins du pays pour éviter tout risque d’attentat… La finale de la Coupe de France est un cruel exemple qui confirme que la réalité sur le terrain est tout autre. Ce match aurait pu être l’un des plus gros drames de l’histoire de notre pays. Le peuple français vit dans l’angoisse depuis les attentats dramatiques du 13 novembre 2015 qui ont notamment frappé les abords du Stade de France lors du match France / Allemagne.
Les attentats dans la tête des supporters
Depuis, tous les spectateurs qui viennent assister à un match dans l’enceinte de Saint-Denis ne peuvent s’empêcher de penser à ce risque d’attentat. Un ami habitué des déplacements me dit la veille du match : « On va chanter avec fierté, faire la fête et ramener la coupe ! Je sais qu’il ne faut pas se mettre la pression avec ça et qu’il faut continuer de vivre, mais tu sais que j’y pense à ces histoires d’attentat dans ce stade. C’est con mais j’y pense…»
Pour l’affiche très médiatique entre l’OM et le PSG à trois petites semaines de l’ouverture de l’Euro 2016, le risque d’attentat était très élevé par rapport aux quelques matches qui ont eu lieu dans ce stade depuis le 13 novembre. Les mesures de sécurité auraient dû être axées essentiellement sur ce point vital pour toutes les personnes présentes au Stade de France. Rien n’ a été fait dans ce sens, la grande majorité des supporters a été fouillée partiellement, voire pas du tout !
Des fouilles fantômes !
Le dispositif a été défaillant aussi bien dans le virage marseillais que parisien. Les témoignages sur les réseaux sociaux font froid dans le dos dans un contexte où le risque d’attentat est au plus haut. Habitués aux fouilles strictes effectuées par les forces de l’ordre lors des déplacements en Ligue 1, ce qui n’était pas le cas samedi soir, les supporters ont été surpris et inquiets.
« On a été fouillé le matin quand on préparait le tifo, le soir rien du tout…», « Je n’ai même pas été fouillé, j’avais une kalach’ c’était pareil ! », « J’aurais pu rentrer avec un lance-roquette, sécurité zéro, à croire que c’était fait exprès ! », « Le mec qui fouillait n’a rien palpé, je n’ai même pas vidé mes poches, ils ne sont pas prêts pour l’Euro ! », « Fouille succincte, sacoche non ouverte », « Un collègue avait des couteaux qu’il avait oublié de retirer du sac après un pique-nique, il est passé avec », « Venu en indépendant avec la voiture, aucune fouille à l’entrée du parking du stade, j’aurais pu avoir n’importe quoi », « Je suis rentré avec un sac à dos plein, même pas ouvert à la fouille »…
L’organisation a régressé en dix ans !
En 2006, l’organisation sécuritaire de la finale OM vs PSG m’avait impressionnée. Les groupes ultras parisiens existaient toujours, le risque d’affrontements était bien plus important qu’en 2016. A l’époque, pas besoin de DNLH (Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme) pour que l’évènement se déroule dans de bonnes conditions.
Les supporters phocéens étaient parquées dans une zone avant de partir vers le Stade de France à pieds, encadrés par des cordons de CRS. A aucun moment, les supporters marseillais et parisiens ne s’étaient rencontrés, tout était bien huilé. De mémoire, les forces de l’ordre n’avaient pas eu de comportement agressif envers nous et n’avaient pas fait usage de gaz lacrymogène.
Dix ans plus tard, une autre époque. La défaillance des fouilles n’a pas été le seul point noir de l’organisation. Le périmètre de sécurité a eu pour principal effet de mettre les supporters sous tension dans des files d’attente compactes et interminables. Les forces de l’ordre, comme souvent ces derniers temps, ont gazé la foule, femmes et enfants compris. Au RER, autour du stade, avant et après le match, supporters marseillais et parisiens n’ont cessé de se croiser entrainant logiquement des tensions et des affrontements.
Comment une organisation est-elle devenue aussi défaillante en l’espace de dix ans ? Les têtes pensantes de l’organisation d’aujourd’hui sont-elles incompétentes au point de mettre en danger les supporters par des décisions absurdes ? Et si la volonté des pouvoirs publics était plutôt de provoquer des affrontements pour dissoudre les associations marseillaises comme ils ont pu le faire en 2010 en laissant s’affronter des groupes parisiens entre eux ?
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Antoine Boutonnet : incompétence et communication
Le commissaire Antoine Boutonnet dirige la DNLH. Pour sauver son emploi quasiment fictif qui n’est d’aucune utilité, l’homme fait souvent des sorties médiatiques en amplifiant les incidents à sa sauce. Selon ses dires, son « rôle est de travailler pour sécuriser les rencontres de football ».
Le commissaire Boutonnet a donc travaillé pour sécuriser la finale de la Coupe de France. Mais la « sécurité à la Boutonnet » c’est l’obsession de scruter le moindre mouvement, voir même de pousser à la faute les associations de supporters. La vraie sécurité des 80 000 spectateurs est secondaire pour ce style de personnage. Pour lui, il est plus important de surveiller un supporter qui va allumer un fumigène plutôt que de contribuer à mettre un dispositif efficace en place pour éviter à un kamikaze de se faire exploser dans un stade plein à craquer. La preuve avec cette dernière finale.
Samedi soir, c’est la chance qui a masqué l’incompétence. Jouer avec la vie de 80 000 personnes est grave. Faut-il un drame pour sanctionner cette incompétence ? Boutonnet est l’un des responsables du fiasco de la sécurité de cette finale au même titre que la FFF, le service de sécurité du Stade de France, la Préfecture de Seine-Saint-Denis et le Ministère de l’Intérieur.
Mécontents du résultat final et de la saison catastrophique, quelques supporters marseillais ont brûlé des papiers qui ont mis feu à des sièges du stade. Ces faits n’ont rien à faire dans un stade, je le conçois. Mais ces sièges brûlés ont-ils mis la vie d’autrui en danger ?
La réponse est non.
L’incompétence de Boutonnet et des pouvoirs publics en général sur le dispositif de sécurité a-t-elle mis la vie d‘autrui en danger ?
La réponse est oui.
Au lieu de faire profil bas, chanceux de ne pas avoir vu un carnage humain, Boutonnet va s’employer à attaquer les supporters après le match, pour des faits malgré tout bénins, pour détourner l’attention et ne pas parler du vrai problème de la soirée dans un pays où le risque d’attentats est élevé : la fouille à l’entrée du stade !
« On a eu quelques départs d’incendies dans les tribunes. Ce comportement n’est pas admissible. Un certain nombre de suite judiciaires évidemment seront engagées. Il peut y avoir des sanctions individuelles voire collectives. »
« Voire collectives » ? Comme souvent, les associations risquent de payer pour quelques individus. Un cas unique dans ce pays. Contre Lyon au Vélodrome, quelques individus balancent des bouteilles de bière sur la pelouse, on sanctionne une tribune. Pour cette finale, quelques individus brûlent des papiers, on va encore sanctionner les associations. Et quand un policier fait une bavure sur le terrain, sanctionne-t-on le commissariat en entier ? Quand un homme politique est condamné à de multiples reprises, sanctionne-t-on son parti politique en entier ?
Enfin, une ultime phrase pour montrer à quel point le commissaire ne comprend strictement rien ou fait semblant de ne rien comprendre pour s’attaquer encore et toujours aux groupes de supporters en France…
« Il s’agit d’un classique à 80 000 personnes avec une tension intra-supporters bien connue. Cela n’a rien à voir avec les populations pendant l’Euro. »
Si le responsable de la DNLH croit vraiment ce qu’il dit, l’Euro va rapidement tourner au fiasco car les marseillais et parisiens présents à la finale sont des agneaux face à certains supporters qui vont affluer de toute l’Europe.
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La France n’est pas prête pour l’Euro !
Le préfet de Seine-Saint-Denis a admis des manques dans la sécurité lors de la finale qui devait pourtant être, malgré ce que veulent nous faire croire les organisateurs de l’Euro 2016, un test grandeur nature à trois semaines de l’ouverture de la compétition au Stade de France. Le Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est voulu rassurant suite à une réunion de crise après le fiasco de la finale. Leur incompétence chronique n’est en rien rassurante.
La France n’est pas prête pour gérer l’afflux important de vrais supporters à risque. Tout au long de la saison, le gouvernement, les préfectures, la DNLH et la LFP ont fait le choix d’abuser des interdictions de déplacements en Ligue 1. Comment se préparer efficacement pour l’Euro avec de telles mesures ?
Plus grave, ce samedi 21 mai 2016, aux yeux de l’Europe du football, la France a démontré qu’elle n’était pas prête à empêcher une attaque terroriste en plein stade.
Essayer de trouver des solutions en trois semaines…
Mais que faisaient tous ces grands spécialistes qui œuvrent pour la sécurité dans les stades ?
Ah oui, c’est vrai, que je suis bête… ils cherchaient les terroristes qui craquaient des fumigènes…
Des procédures disciplinaires contre le PSG et l’OM sont ouvertes.
Des procédures seront-elles également ouvertes contre ceux qui ont mis en danger la vie de 80 000 personnes ?
Nous connaissons tous la réponse…
Matthieu Franceschi