Tout à leur joie d’entendre Frank McCourt annoncer en ce beau lundi d’août 2016 qu’il allait construire « a championship caliber team« , les supporters olympiens n’ont guère prêté attention aux deux derniers axes de l’OM Champions Project : devenir un club modèle dès lors qu’il s’agit de rendre à la communauté et bâtir une organisation solide et pérenne sur et en dehors du terrain. Noyés dans leur détresse sportive, tout cela leur apparaissait bien secondaire à l’époque. Trois ans plus tard, à nouveau noyés dans leur détresse sportive, les supporters marseillais continuent d’accorder peu d’importance à l’OM hors-sol ou plutôt hors-Vélodrome. Et pourtant…
Avant toutes choses, quelques petites précisions d’usage.
Nous allons parler ici de la Fondation OM qu’il ne faut pas confondre avec l’Association OM. Il s’agit de deux structures distinctes (l’une, l’asso, indépendante en théorie de la SASP et l’autre, la fondation, filiale de la SASP) même si leurs objectifs semblent désormais assez similaires.
Pour que ce soit plus clair, voici les deux dernières modifications effectuées à leurs statuts dans le Journal Officiel des associations.
Attention à ne pas non plus confondre OM Fondation avec OM Attitude. Il y a ici un vrai danger puisque la toute jeune fondation a recyclé certaines initiatives de sa grande sœur à l’image du Fonds de Dotation.
Le mieux pour expliquer clairement la différence est encore de laisser la parole à Lucie Venet, responsable des deux entités.
« Avant, on avait une structure sociale qui s’appelait OM Attitude et qui était un fonds de dotation. On était plutôt dans une logique de public puisqu’on s’intéressait plus particulièrement aux enfants malades et aux enfants défavorisés. Aujourd’hui, on est plus sur une logique de piliers puisqu’on a quatre piliers qui guident notre action. Tout ce qui est éducation, entrepreneuriat et accès à l’emploi, pratique sportive chez les jeunes et enfin tout ce qui est culture, art contemporain, art de la rue. C’est sur ces quatre piliers qu’on développe nos projets phares. » Lucie Venet – Source : FC Marseille
La fondation d’entreprise, logique américaine du « giving back to the community »
Frank McCourt avait annoncé la couleur d’entrée : « We aim to be a model team when it comes to giving back to this great city of Marseille. » Pas étonnant que ces mots très américains ait été implémentés par une autre idée très américaine : la fondation d’entreprise. Dans cet article daté de 2013 la sociologue Anne Bory détaille la genèse historique de l’idée de fondation d’entreprise mais également les enjeux qui lui sont inhérents.
« Les bénévoles étasuniens, qu’ils le soient au sein d’une association ou dans le cadre du bénévolat d’entreprise, parlent de façon récurrente et systématique de leur volonté de « giving back to the community » (en français, « rendre à la communauté » ; Simonet, 2004), pour expliquer les raisons de leur engagement. Ce leitmotiv s’inscrit dans une forme d’éthique de la responsabilité communautaire, qui imprègne autant les discours des promoteurs entrepreneuriaux du bénévolat d’entreprise que ceux des salariés-bénévoles. Les politiques de bénévolat d’entreprise sont doublement dépositaires de cette éthique de la responsabilité communautaire : d’une part, elles émanent du monde des affaires, espace de réussite économique et sociale qui a un devoir de contre-don vis-à-vis de la « communauté » ; d’autre part, elles reposent sur le bénévolat des salariés, eux-mêmes dépositaires de cette éthique en tant que citoyens étasuniens. » Anne Bory – Source : Le bénévolat d’entreprise en France
L’une des particularités de ce bénévolat d’entreprise à l’américaine, qui a déteint depuis une vingtaine d’années sur la majorité des fondations françaises, est le « corporate volunteering. » C’est à dire un certain nombre d’heures de travail offert par les salariés de l’entreprise aux actions de la fondation. Les collaborateurs de l’Olympique de Marseille en sont ainsi à plus de 1 000 heures dédiées à des actions bénévoles en deux ans. Ils ont ramassé des déchets, fait du soutien scolaire, du media training, redistribué des denrées alimentaires invendues, etc.
« La mise en place du bénévolat d’entreprise doit ainsi permettre d’améliorer les compétences et la formation des salariés, en valorisant leurs capacités d’organisation et l’application pratique de compétences professionnelles ; d’encourager le travail en équipe et la convivialité indépendamment de la position hiérarchique des « salariés-bénévoles » ; de fidéliser les salariés en améliorant l’image interne des entreprises ; de promouvoir l’image externe des entreprises ; d’assurer un suivi des fonds attribués aux associations grâce à l’implication de salariés-bénévoles en leur sein. Le bénévolat d’entreprise est donc conçu comme un outil destiné à servir des objectifs de productivité, de réputation interne et externe et de rationalisation du mécénat. »
Anne Bory – Source : Le bénévolat d’entreprise en France
Le processus a changé mais pour quel résultat externe ?
Des actions aux « reins plus solides »…
Si les intentions sont là, un peu comme sur le terrain, l’Olympique de Marseille ne bénéficie pour ses bonnes actions ni d’un budget démentiel (150 000€) ni d’un effectif élargi comme l’explique très bien cet article de La Tribune plus bas.
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Par contre, le club est en bien meilleurs termes avec ses partenaires locaux à l’image de ses relations nouvelles avec le District de Provence, par exemple.
« Il y a sans aucun doute une impulsion nouvelle à l’Olympique de Marseille pour ce genre de projets depuis l’arrivée de ces nouveaux dirigeants. Il n’y a même pas lieu de comparer avec ce qui se faisait avant, c’est incomparable ! Ce que fait Jacques-Henri Eyraud aujourd’hui à l’Olympique de Marseille est fabuleux. Il a commencé à se rapprocher des clubs provençaux avec des partenariats, des invitations au Stade Vélodrome… C’est quelque chose qui n’avait jamais existé à l’Olympique de Marseille… » Michel Gau, président du District de Provence – Source : FC Marseille
Quelle importance ? Cela permet à l’organisation caritative de mieux travailler, d’agglomérer les ressources et de gonfler un peu plus les opérations effectuées. À La Castellane, la FFF et le District ont apporté les licences, les assurances, des éducateurs. Puma ? Les équipements. La Région ? Un mini-bus et une aide financière… Bref, l’OM n’était pas seul sur le coup malgré ses 40 000 euros officiellement investis (un premier chiffre de 15 000€ avait d’ailleurs circulé concernant l’investissement du club sur ce projet).
Tout ce qui est fait au niveau de la Fondation n’est pas forcément nouveau (le centre de La Castellane travaillait déjà avec OM Attitude, le fonds de dotation existait déjà, etc) mais c’est désormais plus structuré, plus poussé. Pas une révolution mais une vraie évolution en somme…