Tout à leur joie d’entendre Frank McCourt annoncer en ce beau lundi d’août 2016 qu’il allait construire « a championship caliber team« , les supporters olympiens n’ont guère prêté attention aux deux derniers axes de l’OM Champions Project : devenir un club modèle dès lors qu’il s’agit de rendre à la communauté et bâtir une organisation solide et pérenne sur et en dehors du terrain. Noyés dans leur détresse sportive, tout cela leur apparaissait bien secondaire à l’époque. Trois ans plus tard, à nouveau noyés dans leur détresse sportive, les supporters marseillais continuent d’accorder peu d’importance à l’OM hors-sol ou plutôt hors-Vélodrome. Et pourtant…
Le 27 juillet 2017, l’Olympique de Marseille et la mairie de Marseille officialisaient un accord global offrant au club de football une exploitation commerciale supposée du Stade Vélodrome. À l’époque, cet artifice avait partiellement éclipsé la véritable information concrète liée au partenariat entre les deux institutions : la reprise en main par la S.A.S.P OM de l’association OM.
Jusque là indépendante de la structure commerciale (même si financée par), l’entité associative s’est vue dépouillée ce jour-là de l’ensemble des équipes de jeunes de plus de 12 ans soit la majeure partie de sa raison d’être. Ne reste plus à la charge de « l’asso » que les joueurs de moins de 11 ans. Et pourtant pour diriger cette coquille pratiquement vide, qui garde comme seul bien précieux le numéro d’affiliation, l’OM a sorti l’artillerie lourde au mercato. En décembre 2017, la nouvelle direction était officialisée et se donnait immédiatement le droit de concourir à la Champion’s League des Conseils d’administrations. Jean-Pierre Chanal, personnalité importante de la mairie de Marseille, Rodolphe Saadé, PDG de la CMA-CGM entreprise au rayonnement mondial, Alain Lacroix, alors président du directoire de la CEPAC étaient tous intégrés à la structure autour de quelques figures tutélaires comme Robert Nazarétian, Jacky Pol ou Basile Boli.
Mais pour quoi faire ?
Le fantasme du sous-marin politique pour obtenir Chanot…
« On est en train de mettre en place les bases de certaines actions pour les enfants, pour l’éducation. Les nouvelles personnalités qui ont intégré l’association peuvent nous y aider et je peux vous dire qu’ils sont tous absolument impliqués dans ce qu’ils font. Ce sont des passionnés de l’OM, il faut arrêter de dire n’importe quoi. L’association n’est pas là pour faire de la politique, comme j’ai pu parfois le lire, mais pour développer des projets pour la jeunesse ! »
Robert Nazarétian, vice président de l’Association OM – Source : FC Marseille
L’assemblage d’une telle Dream Team a forcément suscité l’intérêt d’un grand nombre d’observateurs de la vie politique marseillaise. Les suspicions autour de calculs de l’OM à visée immobilière se sont intensifiées lorsque les intentions du club relatifs à l’obtention de l’exploitation du Parc Chanot se sont révélées. Car oui, c’est un secret de polichinelle mais selon nos informations, l’OM faisait bien parti d’un groupe de quatre prétendants (« sérieux ») déclarés auprès de la mairie pour briguer le parc des expositions du huitième arrondissement. La Safim, actuel gestionnaire et parfois associé à l’OM dans cette opération, serait bien l’un des autres candidats « sérieux » en lice mais en solo. À noter que Jean-Claude Gondard, directeur général des services de la Ville, avait lui carrément parlé de onze candidatures.
Mais revenons-en à la connexion asso OM/Parc Chanot ? Qui sont donc les principaux acteurs de cette danse du ventre pour obtenir ce précieux contrat à long terme ? Certains bruits font écho d’une prise en main forte à venir de la Chambre d’Industrie et de Commerce Marseille Provence sur le Parc Chanot. Tiens, qui fait partie du conseil d’administration de l’asso OM ? Jean-Luc Chauvin, président de la CCI MP. La Safim, actuel gestionnaire, est aussi un acteur d’envergure sur ce dossier. Devinez qui a intégré le CA le plus prestigieux de la ville en mars 2018 ? Loïc Fauchon, président de la Safim…
Mais celui qui est(était ?) considéré comme la carte maître dans le jeu du duo McCourt/Eyraud pour arracher la concession de Chanot se nomme Jean-Pierre Chanal. Le président de l’association, nommé en décembre 2017, occupe le poste de directeur général adjoint des services de la Ville et bénéficie donc d’une certaine influence sur ce genre de dossiers. Sauf que…
À la mairie de Marseille, dès la nomination de Chanal à l’asso OM, une note a circulé dans tous les services concernés afin de notifier les employés du changement de référent sur les dossiers OM. Pour éviter tous conflits d’intérêts, des consignes très strictes ont été passées afin que les dossiers OM ne soient plus abordés avec Jean-Pierre Chanal. À l’Hôtel de Ville, une déontologue, Jacqueline Faglin, veille d’ailleurs au grain sur ce genre de situations. Bon, il se trouve qu’elle a, elle aussi, intégré le conseil d’administration de l’Association OM (peut-être pour mieux superviser les opérations des deux côtés ?)…
Toujours est-il que, selon nos informations, les consignes de scission stricte entre les dossiers OM et Chanal semblent être respectées. Dans la situation politique actuelle, personne à la mairie de Marseille ne souhaite négliger ce genre de détails…
Échec de la stratégie de networking d’Eyraud ou simple contretemps ?
Pis encore, l’actuelle municipalité a décidé de reporter sa décision quant au nouveau gestionnaire du Parc Chanot à l’année prochaine ! Ce sera donc à la nouvelle équipe municipale (élections en mars 2020) de trancher parmi les prétendants… voire à complètement changer de braquet ? Le nouveau maire pourrait potentiellement avoir envie d’imprimer sa patte sur ce lieu important de la ville et rendre caduque tout le travail préparatoire des prétendants éventuels…
« On peut faire évoluer l’actuel cahier des charges pour le Parc Chanot. Le faire évoluer, ça ne veut pas dire le changer complètement. On est quasiment en plein centre ville et desservi par les transports en commun. Il faut se poser la question sur la circulation quand il y a des matches ou de grands événements au Stade Vélodrome. La ville est archi-saturée dans ces moments-là… Alors une nouvelle Arena-là… Peut-être que d’autres endroits dans Marseille méritent aussi ce genre d’aménagements. »
Bruno Gilles, candidat à la mairie de Marseille – Source : FC Marseille
Si Bruno Gilles parle de nouvelle Arena au Parc Chanot, c’est qu’il s’agit de l’élément bloquant dans la première rédaction du cahier des charges pour l’appel d’offres. Il a fallu modifier le texte pour clarifier ce point et le temps que ce soit fait, le calendrier électoral a rattrapé tout le monde.
Dans un contexte où les cartes seraient rebattues et où les résultats sportifs pénaliseraient désormais le projet hors terrain, l’OM de McCourt aurait il raté le train sur ce dossier ? Car rien n’est éternel et les caciques de la Ville ne soutiendront pas longtemps publiquement une direction de l’Olympique de Marseille aux résultats sportifs médiocres…
Cependant les racines solides plantées un peu partout ces trois dernières années pourraient reverdir en cas de redressement sur le terrain.
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Mais dans tous les cas, tout ça c’est de la littérature puisque officiellement l’intégration de ses huiles locales à l’asso OM était motivé par leur capacité à aider les projets futurs de la structure.
Et justement dans les faits, cette transformation a t-elle été néfaste pour le club et sa formation ?
Une formation en voie de professionnalisation à tous les niveaux…
Il est d’abord important de préciser que la récupération des équipes de jeunes par les sociétés commerciales des clubs est un processus normal qui se répand un peu partout en France à l’image de ce qui est fait du côté de l’OGC Nice, sur le point de signer un accord entérinant la même division des tâches entre l’asso et la SASP. Il faut ensuite regarder les résultats des équipes de jeunes depuis la restructuration et là, le constat est sans appel.
Après une période d’adaptation, cette année, les équipes de l’OM U16 régional 1, U17 nationaux ou encore U18 régional 1 caracolent toutes en tête de leurs championnats respectifs. Cette professionnalisation progressive de la formation (des dirigeants sont passés de simples défraiements à des contrats intérim par exemple) semble porter ses fruits et ne choque pas forcément ceux qui ont été sacrifiés pour la cause. Belmel Karadji a perdu en 2016 ses attributions symboliques de dirigeants d’équipes de jeunes au sein de l’asso. Il juge pourtant très positivement le travail effectué depuis.
« À leur arrivée, ils ont supprimé énormément d’équipes comme les loisirs, l’équipe PHB, des vétérans, des équipes 2 et 3 un peu partout. Ils ont donc supprimé également les dirigeants de ces équipes dont moi qui faisait partie des derniers arrivées. Ils se sont immédiatement concentrés sur les équipes vitrines avant de les récupérer officiellement dans la SASP quelques mois plus tard. Pendant trois ans, j’ai assisté aux réunions de l’asso du lundi où les dirigeants des équipes faisaient les comptes-rendus des rencontres du weekend, des tournois, etc. Par moment, j’entendais des trucs lors de ces réunions sur les matches… Bon on va dire que c’était pas très professionnel que quand tu connais un peu le foot, tu te demandais ce qu’ils racontaient. Pas tous, loin de là ! Et d’ailleurs les dirigeants les plus compétents sont restés comme Pierrick Montbouli, Bruno Niels… Et puis pour rajouter dans le positif, tous les échos que j’ai eu sur Nasser Larguet sont très bons. Et l’OM Campus, c’est top aussi. Je te raconte pas avant les entraînements pour les jeunes à la Commanderie… Les éducateurs descendaient à la grille, les parents devaient laisser leurs enfants là. Enfin, ça c’est quand tu pouvais t’entraîner à La Commanderie et qu’il ne fallait pas à La Fourragère ou je ne sais où… »
Belmel Karadji – Source : FC Marseille
Sur le terrain de la formation, la restructuration de l’association OM semble être parfaitement justifiée. Un jour, il faudra bien s’occuper des féminines mais ça, c’est une autre histoire…
Enfin, concernant la Dream Team du conseil d’administration, seuls les maintiens sur le long terme au sein de l’organisation des Saadé, Chanal et autres Chauvin ainsi que la pertinence de leurs profils par rapport aux projets futurs mis en place par cette même organisation seront en mesure de dissiper tous les doutes possibles jusqu’ici.
Mais au fait faire des projets pour les enfants, c’est pas le rôle de la Fondation OM ? On en parle dans le dernier article de ce dossier…