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Formation OM : « La gagne » chez les jeunes, la philosophie de Larguet est-elle la bonne ? (Dossier FCM)

Par Mourad Aerts - Publié le - Mis à jour le
Illustration Logo / terrain - 08.10.09 - Inauguration des infrastructures sportives du centre d'entrainement Robert Louis Dreyfus - Marseille Photo : Reportages press / Icon sport

Dernier article de notre dossier consacré à la formation à l’Olympique de Marseille. Focus aujourd’hui sur la philosophie de « la gagne » que souhaite impulser Nasser Larguet aux équipes de jeunes… 

 

 

« Il ne faut pas oublier que oui, on forme des jeunes mais on forme des jeunes pour la haute compétition. À partir de 13 ans, on doit faire comprendre au jeune que la compétition est importante. Aujourd’hui dans des grands clubs comme l’OM, même quand vous n’avez pas forcément les meilleurs joueurs dans votre école de foot et que vous faites des plateaux même pas significatifs dans un classement, contre Gémenos, le Burel ou Air Bel et bien si ces équipes vous battent, ça ne donne pas envie à leurs jeunes talentueux de venir chez vous. Il est important que dans toutes nos équipes, on inculque le plaisir et l’envie de jouer mais plus on monte d’âge et plus il faut leur faire comprendre que la compétitivité est importante. Comme ça quand le joueur passe en pro, il est animé d’une envie de gagner. C’est la compét’ qui est importante. L’OM doit gagner, vous voyez la réaction du public ? Quand vous gagnez et que vous vous dépouillez, ils vous adorent. Et quand vous perdez et que vous avez seulement joué, ils sont un peu moins enthousiastes. Nous, ça doit être une culture ! C’est l’OM ! L’OM doit gagner, doit être en Ligue des Champions… C’est une culture que l’on doit inculquer à nos jeunes. Ils ne doivent pas seulement voir si notre équipe première à gagner ou pas mais il faut que NOUS on gagne. Pour que demain on puisse fournir à l’équipe première des joueurs qui ont cette faculté d’aimer gagner. »
Nasser Larguet – Source : Site Officiel

 

 

Le nouveau directeur du centre de formation insiste dans ses sorties médiatiques sur l’importance de gagner chez les jeunes à l’OM (mais aussi sur un profil de joueur technique à recruter capable de garder la possession du ballon). Un discours qui va à l’encontre de bien d’autres diffusés sur la formation notamment celui (re)mis en avant par l’incroyable réussite dans ce domaine de l’Ajax Amsterdam ces dernières années. 

 

 

« La culture c’était : tu es un bon coach si tu gagnes ton match de jeunes. Du coup les entraîneurs ne faisaient jouer que leurs meilleurs joueurs dans les positions où ils étaient bons, et pas ceux qui ont des problèmes à la maison ou à l’école. Ajoute à ça des consignes tactiques et une préparation face à l’adversaire et tu pourras gagner tes matchs, ok. Mais ça ne rend pas le joueur meilleur. Un joueur devient meilleur quand il devient plus fort techniquement et quand il comprend mieux le jeu. Pour ça, tu as besoin de jouer dans plusieurs positions, de t’entraîner dans un environnement dans lequel ton entraîneur pense que tu peux progresser. (…) Si le football, depuis son enfance, n’est pas conçu comme un esprit de compétition, mais comme un catalyseur de son développement : psychologique, neurologique, physique, sociale et enfin cognitive, alors le football adopte ici la dimension révolutionnaire et totale que nous admirons. »
Ruben Jongkind, formateur de la génération « De Jong – De Ligt » – Source : 20 minutes 

 

 

Larguet est-il dans le vrai ? Spécialement dans le contexte marseillais ? Seul le temps permettra de légitimer ou déjuger avec certitude ses principes. En attendant nous sommes partis demander à un panel de spécialistes leurs avis sur cette position tranchée du nouvel homme fort de la formation olympienne. 

 

 

 

La parole aux clubs locaux : « Il a le mérite de le dire ! »

 

 

 
« Moi, je le comprends dans le sens : « il faut que l’OM gagne pour donner aux meilleurs jeunes l’envie de venir chez nous et pas chez les autres. » Il y a une certaine obligation de gagner pour attirer les meilleurs. Je pense que c’est ça son message. Après, c’est vrai que ça parait un peu trop compétitif de parler de « gagne » chez les jeunes mais il a au moins le mérite de le dire. Parce que, en jeunes, beaucoup le pensent, misent sur les résultats mais peu osent en parler. C’est vrai que c’est un peu contradictoire par rapport à ce que nous transmet la fédé, de faire passer la formation avant les résultats, etc. »
Mendil Aziz, directeur sportif au FC Malpassé – Source : FC Marseille

 

Comme souligné par le DS de Malpassé, il y a d’abord une certaine honnêteté à revendiquer cette soif de vaincre qui existe déjà chez un grand nombre de concurrents de l’OM. Du côté des clubs amateurs de la région, on légitime en tout cas entièrement, notamment du côté du Burel, la démarche du nouveau directeur du centre de formation. 

 

 

« Je pense que Nasser Larguet est dans le vrai, absolument. Revenir aux fondamentaux, droit au but. On gagnerait à avoir beaucoup plus d’intensité. Et il faut l’inculquer très tôt. Jean-Luc Cassini (prédécesseur de Nasser Larguet) en parlait déjà. Les petits de l’OM ont une image de « bourgeois du football », des gentils. Alors qu’en face, ils affrontent des petits déterminés. Ils se sont rendus compte qu’il fallait inculquer cet esprit à leurs gamins. Un esprit qui ressemble aux Marseillais. Nasser Larguet a cette volonté. C’est essentiel. »
Serge Obre, ex-référent projet OM Next Gen directeur sportif Burel FC – Source : FC Marseille

 

 

Ces deux derniers exemples nous permettent de mettre en avant le contexte local particulier actuel. Et passé ? Christian Caminiti, formé à l’OM dans les années 70 avant d’y devenir pro puis formateur et coach professionnel ailleurs, tend vers une vision similaire. 

 

 

LA PAROLE AUX FORMATEURS : ok mais Attention à ne pas oublier le développement individuel !

 

 

« Lorsque j’ai débuté à l’OM, il n’y avait pas de place pour la défaite. La défaite pour nous signifiait l’humiliation. Mais il n’y avait que ce discours et sur le terrain il y avait des entraîneurs compétents, pour l’époque. Au fil des années, les compétences se sont vraiment élargies, développées… On donne beaucoup plus que ce que l’on donnait aux enfants trente ans en arrière.
Dans toutes les pédagogies que l’on peut utiliser envers le joueur, il y en a une qu’il ne faut pas oublier : c’est la compétition. C’est celle qui arrive en bout de chaîne. Au début, on prend l’enfant en compte, ce n’est pas un adulte. Il faut ensuite adapter le jeu aux transformations physiques de l’adolescent sans le surexploiter ni oublier du talent à cet âge-là pour des raisons physiques. J’ai pu notamment en parler avec l’un des premiers entraîneurs d’Antoine Griezmann. Personne n’en voulait à l’époque, il ne rentrait pas dans les critères de compétition d’un instant bien défini, bien précis. Parce qu’il courait moins vite, sautait moins haut, simplement parce que ses capacités athlétiques ne s’étaient pas encore révélées. Et ce n’est qu’après on se rend compte qu’on est passé à côté de quelqu’un.
Et finalement, on en arrive vers 17, 18 ans où certains jouent déjà en équipe première. Le reste ? Leur seul objectif doit être de gagner ! La compétition c’est l’aboutissement de la formation ! »  
Christian Caminiti, ex-joueur OM (74-84), éducateur dans les centres de formation de Martigues, Troyes et Al-Jazira – Source : FC Marseille

 

Si l’ex-minot donne plusieurs arguments légitimant largement la philosophie de Larguet, il souligne tout de même un danger important : celui de rater le développement de bons joueurs à cause de résultats s’obtenant notamment grâce à l’avancée physique de son escouade.
L’ancien entraîneur de la réserve de l’OM, David Le Frapper, avait lui une approche plus centrée sur le joueur que le résultat. Même si ce qu’il nous dit concerne surtout la seconde équipe du club et qu’il ne veut surtout pas déjuger l’ensemble du travail entrepris depuis son départ, il préfère appuyer ailleurs concernant la formation.

 

 
« Je ne juge pas les propos du directeur du centre. Gagner les matches, c’est important, c’est bien de montrer sa supériorité par rapport à d’autres équipes. Quand on va chez les pros, on est jugé sur les résultats.
Après en formation, ce qui est important c’est de former des joueurs. Si on arrive à former des joueurs et avoir des résultats, c’est très bien. Mais moi je pars du principe que le classement n’a pas une signification très forte. On peut avoir un très bon groupe avec 10 bons joueurs et finir premiers mais signer zéro pro ! Par contre vous avez gagné tous les matches…
Aujourd’hui un formateur il va être jugé sur quoi ? Le nombre de pros qu’il a formé. Donc gagner, c’est très bien car il faut leur apprendre à refuser la défaite. Gagner ok mais qu’est-ce qu’on met à l’intérieur ? Il y a un vrai travail individuel à faire sur les profils forts.
Moi je n’attache pas beaucoup d’importance au classement. Vous l’avez bien vu, en trois ans, on a jamais fini premiers mais par contre il y avait un travail sur l’individu, sur le jeu qui était beaucoup plus important. La saison dernière, on était lanterne rouge à Noël mais pour moi ce n’était pas grave, je savais qu’on allait en gagner des matches. En seconde partie de saison, tu ne fais que trois défaites et tu finis troisièmes sur les matches retours.
Donc oui, ça prend du temps, ce n’est pas facile mais c’est ça la formation pour moi : le joueur, le jeu puis la victoire interviendra après. Je préfère finir dixième et faire signer deux joueurs en professionnels que de finir premier et de ne pas en faire signer. Après si on peut faire premier et en faire signer cinq, c’est bien aussi. Et peut-être qu’avec le temps, ça viendra à l’OM. »
David Le Frapperex-entraîneur de la réserve de l’OM et précédemment éducateur à Châteauroux et Valenciennes – Source : FC Marseille

La plupart des jeunes intégrés cette année à l’équipe première de l’OM sont passés entre les mains de Le Frapper ces dernières années et certains ont même traversé des périodes difficiles où ils étaient peu performants (Perrin, Aké).

 

 

 

 

finalement « La compétition au service de la formation » ? 

 

« Mais qu’est-ce qui fait qu’un joueur grandit ? Deux choses, d’abord un contexte favorable, apaisé mais stimulant autour de lui. Et ensuite, il faut que le joueur soit confronté à différents contextes. La compétition en est un et c’est donc important de dire que la compétition fait partie de la formation du joueur. Ce n’est pas la compétition à la place de la formation mais la compétition au service de la formation. L’exemple de notre demi-finale de Coupe du Monde face au Brésil, dans un environnement très chaud en est une illustration. Peut-être que nos joueurs ne connaissent pas suffisamment ce contexte-là. »
Jean-Claude Giuntini, sélectionneur national des U17
 – Source : FC Marseille

 

Il est important de ne pas réduire la pensée de Nasser Larguet « à la gagne » (encore une fois il insiste également beaucoup sur les profils techniques des joueurs à recruter) ni de stigmatiser cet aspect de son discours. Comme vu plus haut, dans la réalité, la compétition tient une place prépondérante dans le processus formatif au niveau de la détection mais également de l’apprentissage du plus haut niveau. 

 

Et puis comme toujours en matière de formation, les résultats d’une politique se jugent sur le long terme…

 

 

Mourad Aerts et Azir Said Mohamed Cheik

 

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