Quel futur pour les groupes de supporters dans l’OM Champion Project ? Voici la question qui est à la base de ce dossier. Comment ces groupes officiellement inféodés à la nouvelle direction peuvent-ils conserver la moindre importance dans un projet se voulant économiquement rationnel ?
France Football a, le mois dernier, effectué un historique étayé très pertinent de la relation commerciale qu’ont entretenu les deux entités pendant des années. Mais la fameuse vente des abonnements, le « charbonnage » à l’entrée du stade, tout ça c’est fini ! La nouvelle direction s’est d’ailleurs assurée de refroidir définitivement les dernières braises émanant de ce système en bloquant toute vente de ticket en virage hors abonnement cette saison. Une belle connerie vidant les virages pour certains, un acte courageux pour d’autres. En privée au club, on attribuait d’ailleurs la contestation du mois de Septembre plutôt au fait « de ne plus rien concéder du tout sur les abonnements » qu’aux piteux résultats sportifs de l’époque. Comme une dernière tentative désespéré de rallumer le feu ancien ? Passons outre le passé et essayons plutôt d’imaginer le futur.
La direction a t-elle intérêt à voir disparaître ces groupes si souvent présentés comme ombrageux alors même qu’ils ont aidé à remplir le Stade Vélodrome pendant plus de 20 ans ? Pas nécessairement selon nous, on vous explique pourquoi.
Les axiomes
→ Augmentation des charges liées au Stade Vélodrome pour l’OM : loyer en hausse, exploitation élargie en vue
→ Nécessité de trouver de nouveaux revenus pour l’OM
→ Groupes de supporters affaiblis par un contexte local (baisse de l’engouement naturel) et national (criminalisation des ultras)
→ Communication du club construite autour de « la folie » dans les tribunes entretenue par les groupes de supporters
Augmentation considérable du prix des abonnements en virage ? Peu pertinent !
L’exemple du grand rival parisien fait peur, très peur dans la cité phocéenne. En quelques années, le prix de l’abonnement le moins cher a explosé. Entre 2011/12 et 2016/17, il est passé de 230€ à 420€ sans inclure la Ligue des Champions, of course.
Le modèle à suivre pour la bande à Eyraud ? Pas certain. Voilà ce que disait le président marseillais à France Bleu Provence en mars dernier sur le sujet :
« Il va falloir nous aider et être compréhensif par rapport à ce qu’est notre projet. Si on attire des joueurs de grande qualité, il faudra aussi des revenus qui nous permettront de limiter les impacts financiers. Notre volonté n’est pas de mettre en place une politique d’augmentation des prix agressive, c’est d’y aller progressivement tout en sauvegardant la réalité des virages. »
JHE – Source : France Bleu Provence
L’hypothèse d’une augmentation substantielle des prix n’est pas complètement éloignée mais tempérée par cette formule « sauvegarder la réalité des virages. »
Qu’est-ce que c’est que la réalité des virages ? La réalité d’une ville décrite par le sociologue André Donzel comme une « métropole duale » où se côtoient ultra-riches et ultra-pauvres ? Les virages abritant plutôt les seconds que les premiers ?
C’est en tout cas ce que nous déclarait Corinne des Dodgers en Juillet 2016 : « Ici, il n’y a pas de public, il y a des supporters. Marseille, c’est pas Paris. Les gens en virage, ils n’auront jamais le pouvoir d’achat d’une ville comme Paris. »
Richard Duhautois, chercheur en économie au CNAM de Paris abonde dans ce sens tout en utilisant un autre exemple comparatif : celui de Londres et Arsenal.
« Arsenal a une tarification très élevée avec un remplissage très important. Mais ils sont situés dans une grosse agglomération avec un pouvoir d’achat énorme. Au final leur taux d’abonnés est relativement faible. Ils ont moins de 60% d’abonnés. 40% des places sont vendues à chaque match. À Marseille, il faut prendre en compte la composition sociale et la taille de l’agglomération. C’est une grande ville mais ce n’est tout de même pas Londres. Je ne suis pas sûr qu’augmenter le prix des places soit la bonne stratégie. »
Richard Duhautois – Source : FCM
Pourtant, il existe bien un vrai pouvoir financier dans la région comme le soulignait André Donzel en 2012 : « Marseille est d’abord la capitale d’une région exceptionnellement riche, puisqu’elle figure au premier rang des régions françaises de province pour la collecte de l’impôt sur les grandes fortunes. Mais une autre donnée caractérise la région : le poids tout aussi exceptionnel des ménages à très bas revenus au sein de sa population. » Finalement le paysage économique est celui d’une population riche circonscrite à un certain nombre de ménages n’éclipsant pas la grande pauvreté de pan entier de la ville (quatre des six arrondissements les plus pauvres de France s’y trouvent).
Cette dualité doit être au centre de la construction de l’offre billetterie pour l’équipe commerciale de l’OM. Si il y a une clientèle capable de répondre à une offre enrichie et enrichissante (pour le club), c’est plutôt celle qui paye l’impôt sur la fortune dans la région. Ça tombe bien, il serait économiquement plus intéressant de remplir ses loges que ses virages comme nous l’expliquait il y a quelques mois l’économiste du sport Christophe Lepetit: « On pourrait très bien avoir une jauge à 60% de remplissage mais un stade rentable avec 100% des loges vendues. »
Et si la clé du problème de l’augmentation des recettes stade était là pour l’OM : dans les loges, les salons, les espaces hospitalités du Vélodrome plutôt que dans ses virages ? Après tout, l’intérêt principal de récupérer l’exploitation du stade Vélodrome est le développement de ce genre de produit. Quelle importance garderait alors les virages ?
Début de réponse à cette question dans le second volet du dossier publié demain sur Football Club de Marseille.
Dossier « Quel futur pour les groupes de supporters dans l’OM champions Project ? :
Article I : Augmenter le prix des abonnements en virages, mauvaise idée commerciale ?
Article II : ITW : « Le match au stade n’est pas un simple divertissement pour des clients »
Article III : Attirer en loges grâce aux Virages ?
Article IV : ITW : « Pas sûr qu’augmenter le prix des places soit la bonne stratégie… »
Article V : Violences, garde à vue, IdS, une journée en enfer pour un supporter de l’OM
Article VI : ITW : « Il est impossible pour un club d’essayer d’écarter durablement ses propres supporters »