Sa personnalité et son caractère peuvent étonner dans le monde très stéréotypé du football. A 43 ans, Jérôme Alonzo est celui qui a contribué à faire remonter l’OM en D1 avant de rejoindre deux rivaux historiques, l’ASSE et le PSG. Pour Football Club de Marseille, il accepte de revenir sur sa carrière en toute sincérité, avant de donné son sentiment sur la crise que traverse l’OM actuellement. Entretien…
Vous êtes un véritable amoureux des clubs où vous avez joué. En un sens, vous être un grand romantique du football…
Jérôme Alonzo: « Oui, c’est vrai, j’étais l’un des derniers. Comme Grégory Coupet, je me suis beaucoup attaché aux clubs. J’ai bien cette définition de romantique du football. D’ailleurs, à chaque fois que je suis parti d’un club, c’était pour gagner moins. »
Si les supporters des clubs que vous avez fréquenté vous apprécient, c’est grâce à cet amour et à cette passion pour le maillot ?
J.A: « Les supporters ne sont pas durs, il ne faut pas croire ça. Que tu gagnes ou que tu perdes, quelque part, ils s’en branlent (sic). Ce qu’ils veulent, c’est que tu leur ressemble, mais tu ne peux pas faire semblant. Il n’y a pas de secret, j’étais comme eux. Moi aussi j’étais supporter quand j’étais gamin, moi aussi j’insultais l’arbitre quans j’allais voir un match. A la base, je suis un grand supporter du club de basket d’Antibes, je suis encore allé les voir il y a quelques jours. D’ailleurs, on a tapé Villeurbanne. Quand j’étais gamin, je me souviens de tous ces joueurs qui venaient nous taper dans la main. Ce qui compte, c’est la proximité avec les gens. J’ai toujours eu ça, du coup, les supporters le savent. Quand tu as gagné leur amitié, leur amour, leur confiance, ça t’aide énormément. Quoi qu’il arrive dans tes performances, qui ne peuvent pas toujours être linéaires, surtout quand tu es gardien, les supporters sont avec toi. »
Comment expliquez-vous cette sensibilité qui vous a accompagnée tout au long de votre carrière ?
J.A: « Je ne sais pas, je suis né comme ça. D’ailleurs, j’y crois moins depuis quelques années. J’ai un côté un peu désenchanté. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être parce que je trouve qu’il y a une forme de romantisme qui a disparu. Après, je ne dirais jamais que c’était mieux avant, c’était seulement différent. »
Vous auriez pu être professionnel à l’époque actuelle ?
J.A: « Oui, bien sûr. Mais j’aurais peut-être été moins passionné. Peut-être que j’aurais huit Ferrari, que j’aurais un jour les cheveux blonds et le lendemain les cheveux blancs. Je vais même aller au delà, je pense que j’aurais sûrement été comme ça. A l’heure actuelle, les joueurs sont dans un moule, à l’époque, les rebelles étaient autorisés. Aujourd’hui, qui change quatre fois de club pour gagner moins ? Donc oui, on peut dire que c’est une forme de romantisme. Je suis très heureux aujourd’hui. Mon seul bonheur, c’est d’avoir mon appartement avec vue sur la mer. Je ne vis pas dans un château, je n’ai pas des revenus importants mais je m’en fous (sic) parce que je suis heureux. Je n’ai pas beaucoup mais ce que j’ai, c’est à moi. J’ai assez d’argent pour aller jouer au golf et ça me va très bien. Le golf est une maîtresse très exigeante ! »
Selon vous, quelles sont les raisons des difficultés actuelles de l’OM ?
J.A: « C’est l’échec de Michel, tout simplement. Je suis désolé, mais il a des bons joueurs partout. Qu’on lui donne des excuses en octobre car il venait d’arriver et qu’il n’avait pas choisi l’équipe, d’accord. Mais aujourd’hui, ce n’est plus possible. Quand tu regardes le groupe de l’OM, devant, il y a des bons joueurs. Au milieu, il y a des très bons joueurs, derrière, ça va, et en goal, tu as un phénomène. A un moment donné, s’il avait une équipe de pitres, on pourrait l’excuser. Mais quand tu as des bons joueurs dans le groupe et que tu te retrouves dans cette situation, le responsable, sans vouloir être méchant, c’est le mec qui n’arrive pas à tirer le meilleur de son équipe. »
Outre le cas Michel, Vincent Labrune est aujourd’hui pointé du doigt et de nombreux supporters réclament sa démission. Qu’en pensez-vous ?
J.A: « C’est vrai que le président Labrune n’a pas un projet lisible pour les amoureux de football et de l’OM. C’est quelqu’un qui ne ressemble pas aux supporters. Robert Louis-Dreyfus ne leur ressemblait pas non plus, mais au moins, il a sauvé le club. Il était passionné par l’OM. Chez Vincent Labrune, tu ne sens pas la corde sensible qui vibre quand ça va mal et quand ça va bien. On sent que les supporters marseillais, que je connais très bien, ont presque envie que l’on souffre avec eux. Si ce n’est pour des intérêts économico-politiques, le président Labrune n’est pas vraiment avec eux. J’ai l’impression que le public marseillais lui reproche de ne pas partager sa passion. »
Malgré votre aventure au PSG, les supporters marseillais vous montrent beaucoup d’affection…
J.A: « Oui, avec l’âge, j’ai beaucoup de supporters marseillais qui me disent qu’ils ne m’ont pas oublié. C’est une très bonne surprise de la quarantaine. Je suis lié à vie à l’OM tant que le club sera en Ligue 1, puisque j’étais dans l’équipe qui l’a remonté. Dans la rue, des gens viennent me parler de l’OM. Je leur demande toujours quel âge ils ont et la plupart sont surpris quand je leur dis que j’ai joué à Marseille. Il y a une génération de supporters qui se demande qui était dans l’équipe quand l’OM est remonté. Et bien j’y étais et j’ai joué tous les matchs de la saison. C’est marrant qu’aujourd’hui, les supporters marseillais soient nombreux à m’en parler. Avec du recul, j’ai quand même fait Sainté, Paris et l’OM. Je suis le seul gardien à avoir enchaîné les trois. »
Aujourd’hui, la situation de l’OM vous attriste ?
« Bien sûr, je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut avoir Marseille et Paris au premier rang. Malheureusement, ce ne sera pas pour demain, mais je veux absolument que l’OM soit racheté pour que le club retrouve enfin le niveau qu’il mérite et qui devrait être le sien. »
Propos recueillis par Bérenger Tournier