Hèèè ma fouaaa, je suis tombé hier sur un article du Monde, c’est pas n’importe quoi… Le Monde, intitulé « Le clubisme, nouvelle plaie du football français »,…
… dont j’ai jugé les arguments saugrenus et je ne sais pas au moment de rédiger ce présent billet si c’est sa démonstration incomplète et apparemment orientée qui me pousse à réagir, ou l’étonnement qu’on laisse désormais passer dans un journal comme Le Monde, à l’égard duquel j’entretiens encore une certaine estime, des lignes si peu convaincantes et reposant sur si peu de fondements.
La plaie, ce serait donc selon l’auteur, Jérôme Latta, je me reporte au chapeau de son article, la réduction du football à sa dimension partisane.
Dès le second paragraphe, le premier n’a aucun intérêt, sans vraiment nous dessiner ou nous désigner plus précisément ce que recouvre le terme, il nous le présente accompagné d’un jugement qu’il s’abstiendra de justifier ou de démontrer, procédé intellectuellement malhonnête, comme « une forme dégradée du supporterisme », un risque qui en découlerait (j’ai cherché des traces du risque dans l’article en question, je n’en ai pas trouvé), « une manière de tout voir sous le prisme exclusif de son club », avec accentuation de l’adjectif possessif par des guillemets. Mazette !
Je m’épargnerai de reprendre le fil des paragraphes dans lesquels je ne trouve pas d’arguments qui pourraient me faire adhérer à l’idée que cette notion de clubisme serait une plaie,…
… constituerait un danger particulier pour le football et sa société, quelque chose qui en menacerait les fondements ou l’éthique quand, moi qui fus, comme beaucoup, pétrifié par le drame du Heysel, consterné par toutes les formes de hooliganisme qui s’ensuivirent, je ne pourrais que qualifier de fantaisistes, carnavalesques, folkloriques, et souvent très drôles, les échanges entre supporters de clubs rivaux, nourris de forts antagonismes, qu’ils tentent de se convaincre les uns les autres ou qu’ils s’invectivent vertement, que ce soit face à face dans les tribunes quand on leur laisse encore cette possibilité, ou par le truchement des réseaux sociaux accusés par le journaliste d’être des amplificateurs quand ce ne sont que quelques individus qui parviennent à se faire lire.
Ce que je voudrais d’abord objecter à Jérôme Latta c’est qu’il fait mine d’oublier que le football se nourrit d’opposition.
S’il cite Nicolas Vilas, un journaliste portugais, dont les phrases choisies n’apportent rien, et ce grand philosophe de la chose footballistique que le monde nous envie, Daniel Riolo, oui c’est étonnant mais il ose, je préfère citer pour ma part le Professeur Marcelo Bielsa : « Dans le football, la seule chose irremplaçable ce sont les supporters », phrase que je rapproche pour la compléter d’une observation de Bernard Pivot dans une interview qu’il avait donnée il y a quelques années. Il y confiait aimer tellement le football qu’il pouvait s’arrêter de longs moments devant une partie se jouant sur un terrain anonyme, où s’opposent les bleus contre les rouges, mais qu’il prenait encore plus d’intérêt au match quand pour des raisons tout à fait obscures et indéfinissables, il se mettait à prendre parti pour une équipe ou une autre. On peut tout à fait discourir avec élégance de la dimension esthétique, dramatique, sociale, ludique du football, de son économie aussi, mais dès lors qu’on a choisi un club, ou qu’on a été choisi par lui, on ne peut que difficilement (et pourquoi le faire ?) passer par dessus bord des aspects émotionnels, tribaux (désolé, il n’y a rien de mal à cela tant que ça reste dans une dimension symbolique), des choses nouées depuis l’enfance, ou plus tard, qui parlent parfois bien plus aux tripes qu’à la tête et à l’emmerdante raison. Les querelles de clocher, les bagarres de village, sauvages ou ritualisées avec la soûle, proviennent presque de la nuit des temps et nul doute que jamais personne n’a trouvé quelque intérêt à menacer le ciment de la communauté par l’exercice de l’objectivité et du fair-play.
J’ajouterais que mettre la responsabilité de ces prétendues horreurs que nourrirait le clubisme sur les réseaux sociaux, ou les Ultras,…
…(lesquels n’ont fait que donner des formes spectaculaires au support inconditionnel d’un club, chauvinisme qui leur préexistait), ou à la rivalité OM-PSG qui aurait été volontairement montée en épingle, me semble revenir à épargner le monde des journalistes spécialisés dans le football. Nous nous sommes tous marrés devant les tronches d’enterrement des journalistes de l’Equipe 21 à l’issue de Q$G-Manchester U, qui prouvaient s’il fallait le faire encore l’approche particulièrement partisane de leur prétendue expertise. Personnellement, je sais qu’à la mi-temps d’un match de Coupe d’Europe, OM-Dukla de Prague en 1969, la nouvelle de la victoire stéphanoise contre le Bayern de Munich 3-0 avait déclenché une ovation dans tout le Stade Vélodrome. Mais la rivalité entre l’OM et les Verts n’étaient pas encore ce qu’elle allait devenir les saisons suivantes, et d’autre part, les journalistes de cette époque se montraient d’une objectivité implacable. Je n’ai jamais su quel était le club préféré de Thierry Rolland, de Bernard Père, d’Olivier Rey, de Michel Drucker etc. Il est vrai qu’à cette époque le PSG n’existait pas encore, mais il faudrait attendre la prise de pouvoir de Canal Plus sur le club pour constater de dommageables changements. Il y a bien une responsabilité des journalistes étrangement dits « nationaux » dans le renforcement des antagonismes et la sensation que le traitement des clubs ne les met pas sur un pied d’égalité.
Comme beaucoup de marseillais, j’ai en horreur Paris et son centralisme, son club, et particulièrement ce qu’il est devenu,…
… on a tout de même touché le fond dimanche dernier en interdisant le déplacement des supporters marseillais au prétexte des moqueries qu’ils ne se seraient pas privés de lancer à leurs homologues et aux joueurs parisiens suite à leur comique élimination en Ligue des Champions la semaine dernière. Cela ne m’empêche pas d’avoir des dialogues savoureux et sans insulte avec des supporters parisiens, ce fut le cas sur France Bleu Provence dimanche en avant-match où mon ami Médéric Gasquet-Cyrus en avait invité un pour un échange amusé. Réduire les supporters, de quelque club puissent-ils se réclamer, à des veaux qui n’auraient d’autre horizon que leur étable est une forme suspecte de discrimination surtout quand on a l’impression de saisir que la seule justification de l’article proviendrait du non soutien des non-parisiens, et peut-être particulièrement des marseillais, envers l’aventure européenne du Qatar, ce gestionnaire d’un PSG en sommeil qui n’a laissé que ses murs à ces furieux investisseurs habités par bien autre chose que le sport.
Je pourrais passer pour un affreux clubiste à déceler de telles intentions entre les lignes de l’article dont il est ici question, mais je m’empresse de répondre à Jérôme Latta s’il l’envisageait : clubiste, toi-même.
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B Audibert
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