Hèèè ma fouaaa, Bari… fatche de…
Je m’y étais raccroché sur le tard à cette expédition que nous imaginions tous triomphale.
J’ai failli louper l’avion (une fâcheuse habitude à partir en retard). Dieu merci, le voyagiste (encore merci à lui) m’avait attendu jusqu’à la dernière seconde. J’ai embarqué en transpiration. Nous avons décollé vers minuit de Marignane. Chaude ambiance à bord, le décollage fût accompagné du « hoooooo hiiisss, enc… » suivi d’un grand éclat de rire. On la sentait bien cette finale.
Nous sommes arrivés sur Bari près de deux heures plus tard.
Puis une longue errance en bus a commencé.
On nous a dit qu’un grand nombre d’albanais se trouvaient en ville et qu’il y avait des risques de bagarre. On a juste traversé Bari. Je me souviens qu’au départ l’hôtesse qui devait nous piloter tout au long de la journée a commencé par nous montrer la lune (bien ronde), et qu’un supporter a ironisé à haute voix : « la lune ? Oh sans déconner, la lune, putain on l’avait jamais vue, on en a une mais elle est pas comme çà, putain, la lune dis, heureusement que je suis venu » ce qui provoqua l’hilarité générale sans parler de ceux qui commençaient à demander à l’hôtesse rougissante qui avait réalisé sa connerie de nous montrer la sienne de « lune ».
Puis on a roulé, roulé, roulé. Presque toute la journée on a roulé.
Un restau pourri où nous avons pu mieux faire connaissance. Une visite du pittoresque village d’Alberobello où j’ai regretté le comportement minable de 4 ou 5 d’entre nous qui se livraient à du chapardage dans les boutiques.
On a vu arriver un car de supporters, croyant que c’étaient des marseillais (certains avaient des écharpes bleues et blanches) nous les avons accueilli avec des chants… sans réponse. On nous a indiqué qu’il s’agissait de VIP lillois, du nord quoi, ce que confirmait leur teint pâle et leur tristesse. On leur a tourné le dos sans vergogne.
Puis il y a eu le départ vers le stade. La tension qui a commencé à monter.
Arrivés au stade, le groupe de potes que nous étions devenus, 7 ou 8 personnes qui ne se lâchaient plus, sur l’indication perverse d’un carabinier nous avons pris la mauvaise direction à partir du parking et nous nous sommes retrouvés avec nos maillots, nos écharpes, nos drapeaux au milieu d’une marée rouge impressionnante.
Nous étions au milieu des serbes qui nous jetaient des regards d’une noirceur féroce. On s’efforçait de garder le sourire mais on en menait pas large tant la tension était palpable mais tout se passe bien jusqu’à ce, qu’alors que nous étions presque au bout et sur le point de quitter la proximité du virage serbe, un groupe d’une dizaine de serbes arrive en face de nous et vient au contact avec des gueules de guerriers, ils crient, ils nous défient, l’un d’eux prend l’écharpe de l’OM du mec qui était devant moi et la jette par terre. Les deux groupes se font face. Trois d’entre nous veulent leur rentrer dedans et je crains le pire, j’essaye de retenir le mec qui vient de récupérer son écharpe, je le retiens jusqu’à ce que je sente que les coutures de sa veste sont en train de craquer… je le lâche, il part vers les serbes avec un autre pote, certains serbes reculent quatre restent et là en même pas une minute, je le jure, les deux marseillais mettent les quatre serbes par terre et les finissent à coups de pied, les autres ne bronchent pas… mais les carabinieri arrivent… les serbes se relèvent et se cassent en courant sans demander leur reste. Mais les marseillais se retrouvent dans l’obligation de suivre les policiers. Je vais parlementer avec mon peu de sens de la langue italienne, pas mal d’anglais, j’explique ce qui s’est passé, et j’arrive à convaincre le chef de ma sincérité, il fait signe à ses soldats de relâcher nos amis. Ouf.
Nous passons devant la tribune officielle et nous tombons sur l’arbitre MR Vautrot et on le branche : « oh MR Vautrot pourquoi vous venez nous voir en finale alors que vous ne nous aimez pas ». Vautrot s’offusque « arrêtez les mecs, vous avez pas le droit de me dire çà, de toute façon on me dit çà partout où je vais. Je n’ai jamais avantagé personne. Et je suis venu pour commenter le match ». Bref, nous apprécions sa manière de faire face et nous sommes tous morts de rire quand il nous dit de ne pas faire les cons et de ne pas chercher la bagarre avec les serbes, celui d’entre nous auquel il s’adresse alors le rassure en lui répondant qu’il n’y aura aucun problème et lui montrant le sang qu’il a sur les mains, celui des serbes qu’il a emplâtrés, explique que les problèmes sont derrière nous.
Je me souviens que nous étions dans le haut du virage, à droite des buts.
Je me souviens quand les olympiens sont venus « en civil » tâter la pelouse. Casoni a pris un drapeau de l’OM et l’a agité devant nous ce qui a lancé la guerre des encouragements entre les virages.
Je me souviens qu’un frisson à parcouru le virage quand nous avons appris que la Cicciolina s’était installé parmi nous. Il y en a deux qui sont allés la voir de près. Ils sont revenus un quart d’heure après, morts de rire car l’un d’eux lui avait finalement mis un doigt dans le cul et qu’elle avait fait un grand « oh » de surprise.
Et puis ce match où n’en finissions pas d’attendre ce but qui pouvait nous libérer. Ces serbes nous faisaient peur, l’OM jouait avec le frein à main.
Et puis les tirs au but.
J’ai quitté le Stade après l’échec d’Amoros. J’avais compris. Je n’ai donc pas vu les larmes de Basile. J’étais effondré. Je ne pouvais imaginer que deux ans plus tard, revenu enfin à Marseille qui m’avait beaucoup manqué, je serai en larmes aux côtés de mon père, de mon oncle de mon neveu en voyant DD soulever la Coupe.
Je suis arrivé le premier au bus.
Certains d’entre nous se sont ensuite disputés une fois installés.
Arrivés à l’aéroport, on nous a expliqué que nous risquions d’attendre longtemps avant de repartir. Trop d’avions et un aéroport sous-dimensionné pour un tel évènement.
Le voyagiste est parti en éclaireur et en loucedé pour repérer où se trouvait notre avion, nous étions tous consignés dans un hall, les pistes étaient inaccessibles.
Lorsqu’il est revenu il nous a demandé de rester groupés et de le suivre, que nous allions nous rendre l’air de rien vers les pistes où tous les avions étaient en rang d’oignon et à l’endroit où les mecs de la sécurité étaient en moins grand nombre. Il nous a ordonné de nous mettre à courir en le suivant dès qu’il nous ferait signe. C’est comme çà qu’une armée furieuse s’est mise à traverser la piste en courant, en criant, avec le sentiment de prendre une revanche dérisoire sur ce territoire hostile. Grâce à notre chef d’expédition nous avons pu dormir dans l’avion où l’équipage nous attendait et être parmi les premiers à décoller au petit matin, j’ai appris plus tard que beaucoup n’avaient pas eu cette chance.
Bari, fatche de…
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B Audibert
@TBAudibert