Pilier du Marseille Champions Podcast, Yannis publiera désormais, à l’envie, à l’inspiration, ses billets sur l’OM sur Football Club de Marseille…
Depuis de longs mois les travées vides du Stade Vélodrome accueille un OM orphelin de sa substantielle ferveur. Le spectacle, si il en est encore un, se résume à regarder le onze d’André Villas-Boas courir après un hypothétique résultat qui lui permettrait de tenir son rang au printemps prochain. Sans saveur, sans fièvre et quasiment sans passion, on consomme machinalement l’OM, telle une addiction indéfectible. A l’extérieur, les parcages autrefois bondés, colorés et volcaniques, sonnent eux aussi creux. Alors revient inlassablement cette question dans nos esprits : L’OM sans ses supporters n’a t’il pas perdu sa raison d’être ?
Totem ardent, repère identitaire de tout un peuple, l’OM est à l’image de sa cité, il se vit, ne se visite pas, et n’a pas vocation à être consommé ainsi, telle une vulgaire marque que des startupers en herbe tenteraient de développer. Certes la diversification des revenus est vitale pour faire face à la conjoncture actuelle mais c’est là un tout autre débat. Récemment, les propos du président Eyraud sur la nécessité de s’entourer de collaborateurs non passionnés a provoqué des remous dans la cité phocéenne. Ce club, c’est notre histoire, notre chair. C’est, selon la métaphore de Franck Sauzée, un membre de notre famille, un neveu qu’on accable lorsqu’il nous ramène de mauvaises notes mais qu’on est si prompts à reprendre dans nos bras. Nous, marseillais, provençaux, sommes fiers de notre identité, de notre accent, de nos valeurs. Le verbe haut et coloré, aux heures douces où le soleil décline, des effluves d’anis étoilé transpirent convivialité et bonne humeur et il n’en sera jamais autrement. Certes, les résultats de l’OM influent sur notre moral et notre quotidien, mais ce lien est un trésor. On meurt après chaque défaite, comme on rayonne lorsque les joueurs au maillot blanc enchaînent les victoires.
« Ici, il faut prendre parti. Se passionner. Être pour, être contre. Être, violemment. » Jean-Claude Izzo
Mais c’est peut-être trop demander au professeur de Sciences-Po Jacques-Henri Eyraud et sa « vision entrepreneuriale » que de comprendre cela. Son discours s’inscrit dans une volonté assumée de l’intelligentsia de la capitale de montrer Marseille du doigt et museler notre relative désinvolture et nonchalance. Dès lors, nous avons de nouveau manqué sur le terrain une occasion de faire taire l’arrogance parisienne le temps d’une soirée lors du trophée des Champions. Le jeu de cet OM manque souvent d’audace, de souffle. Le souffle galvanisant autrefois procuré par les chants du douzième homme.
Nous vivons une époque très compliquée, où beaucoup de choses nous échappent. Le football vit des heures difficiles. Notre rapport à ce sport n’est plus le même. Et pour couronner le tout, suivre cet OM frileux et calculateur, qui ressemble de moins en moins à ses supporters, est un réel crève cœur. Dans Total Kheops, le célèbre romancier marseillais Jean-Claude Izzo écrivait : « Marseille se découvrait ainsi. Par la mer. Comme dut l’apercevoir Protis le phocéen, un matin, il y a bien des siècles. Avec le même émerveillement. Port of Massilia. ». Je ne résiste pas à l’envie d’y voir une allégorie avec l’OM qu’on ne peut découvrir et apprécier autrement qu’encouragé par ses fidèles supporters.
Agence de Production audiovisuelle Marseille
En définitive, à l’intérieur comme en surface, quatre années de présidence Eyraud conjuguée à la crise sanitaire semblent avoir vidé l’OM de ce qui faisait son charme et sa force.
L’OM sans ses supporters, cela ressemble de plus en plus à une coquille vide, c’est comme imaginer Marseille sans la mer, sans l’étincelant pays du grand bleu qui borde notre cité de l’Estaque jusqu’au petit port de Callelongue. La mer, c’est encore Izzo qui en parle le mieux, dans Solea, troisième et dernier volet de sa célèbre trilogie : « J’avais tourné la tête et laissé mon regard filer vers l’horizon. Là où la mer devient plus sombre. Plus épaisse. Je m’étais dit que la solution à toutes les contradictions de l’existence était là, dans cette mer. Ma Méditerranée. Et je m’étais vu me fondre en elle. Me dissoudre, et résoudre, enfin, tout ce que je n’avais jamais résolu dans ma vie, et que je ne résoudrai jamais. ».
De sel et d’iode. Voilà ce dont nous avons par dessus tout besoin aujourd’hui. Car nous perdons petit à petit le goût. Le goût de vivre, de nous rassembler, de vibrer ensemble et de chanter de nouveau à l’unisson pour nos couleurs, notre club et notre ville.
Actibus Immensis ou rien.
Yannis