Quand ça part en biberine, la sagesse voudrait que je ferme ma gueule et j’entends déjà quelques-uns d’entre vous me lancer intérieurement un tonitruant : « Bè vas-y, fais-le… cono ! ».
Je vous jure que j’ai essayé, mais c’est plus fort que moi.
Nous en sommes là : une petite crise de résultats, un passage difficile avec des trous d’air de la part de l’équipe, et c’est le oaï dans les tribunes et sur certains plateaux de médias marseillais.
Il y a d’abord eu les éternels tweets de ceux qui s’en prennent traditionnellement aux uns et aux autres, pour une passe ratée, une frappe écrasée, une initiative intempestive, la routine. La presse, mes amis de La Provence notamment, se sont émus de l’absence de Milik, comme avant celle de Mandanda, dans certaines compos, de l’entêtement de Sampaoli à aligner des joueurs jugés non performants, puis il y eut le bulletin des Dodgers, les insultes des Winners au Stade, et le pompon avant-hier au soir, les groupes de supporters qui s’émeuvent auprès de Longoria du sort réservé à certains joueurs laissés sur le côté et qui lui commandent d’intervenir auprès du coach pour le faire revenir à une supposé raison qu’ils me semblent plutôt en train de perdre eux-mêmes.
On reproche au coach argentin de ne pas aligner une équipe-type et de ne pas la reconduire, de multiplier les compos. On lui cherche chicanes sur son comportement agité dans sa zone technique, qu’il ne quitte pas son bonnet, d’avoir des chouchous, de parler espagnol, d’être une pipe pire que Raymond Domenech, qui ne comprend rien à la stratégie, j’en ai même entendu vouloir donner « modestement, humblement » non seulement une leçon de tactique mais aussi de causerie d’avant-match et cela sans rigoler.
Mais si je comprends tout bien, on reproche à Sampaoli d’être Sampaoli.
Et merde, les ami.e.s !
Ça gonfle parce que finalement ça me plaît que les joueurs ne soient jamais certains de qui va jouer, et à quel poste. J’aime cette idée que les olympiens apprennent à s’adapter en occupant, non seulement à l’entraînement mais aussi en compétition, des positions qui leur sont inhabituelles, ça pourrait leur servir plus tard. Je veux bien qu’on tente de désorienter l’adversaire, même si ça ne marche pas toujours, et alors… pourquoi ne pas essayer ? Le football doit être réinventé en permanence pour éviter qu’il ne devienne un objet mort, un folklore. Et j’ai vu des choses depuis le début de la saison qui me plaisent beaucoup.
J’adore me prendre la tête pour deviner quelle est l’approche du match par le coach. Je ne suis pas contre ce principe qui semble invariable chez Sampaoli, Samir Nasri l’avait bien rappelé sur le plateau du Débat Foot Marseille du FC Marseille en début de saison : avec ce coach, si tu lui donnes satisfaction tu joues, si tu te loupes c’est dehors. Tu boudes ? Tu rentres pas. C’est aux joueurs d’afficher leur caractère et de s’arracher pour être pile au rendez-vous quand on leur fait la faveur de démontrer leur valeur. Et à ce titre, je ne suis pas contre que Milik reste sur le banc tant qu’il n’est pas performant dans toutes les missions qu’on lui confie, qui ne peuvent se limiter à attendre indéfiniment que le bon ballon lui arrive dans les pieds comme l’avant-centre d’une équipe de tournoi de sixte à Saint Crespéou les Cerises.
Regardez les matchs de Milik de la saison dernière, il avait une autre activité que celle qu’il affiche depuis quelque temps. Il pressait, il décrochait, il frappait de loin, il était autrement plus tonique et combatif. Il se plaint de manquer de rythme ? Travaille, remets-toi en question, montre que tu en veux et l’entraîneur te remettra dans le camp des incontestables. Et peut-être faudrait-il rappeler au polonais qu’il ne s’appelle toujours pas Robert Lewandowski.
Des problèmes de vestiaires, il en existe dans tous les clubs de foot du monde. Des vexations, des caprices, des sentiments d’injustice, tu connais ça dès que tu rentres dans une équipe. Qui n’a pas marronné en se voyant attribuer un numéro de remplaçant ? Se plaindre auprès du supérieur hiérarchique, du directeur sportif, du président, c’est vieux comme le monde. Puis est arrivé la possibilité de se plaindre à son agent, qui se plaint aux journalistes, et voici que maintenant on se plaint auprès des supporters sur les réseaux sociaux. La boucle est bouclée, on en vient donc à cette folie : des supporters qui tentent d’imposer, par l’intermédiaire du président, leurs volontés à un entraîneur recruté justement pour sa singularité, pour son caractère, sa passion et ses compétences. Et c’est arrivé chez nous cette semaine, et vouais : « À jamais les premiers, fada ».
Et pourquoi pas un de ces jours, laisser à celui qui parlerait le plus fort à l’issue d’une sorte de Coach Académie, ou d’un Top Coach télévisé, à un anonyme qui a jadis tapé la balle dans le jardin de sa grand-mère, la possibilité de coacher une équipe pro pendant une semaine jusqu’à la fin du match ? Vous rigolez ? On y va tout droit, et je me demande si finalement la guerre n’aurait pas du bon en nous évitant ça (humour, commencez pas, moi aussi j’ai peur de ce qu’il risque d’arriver et de ce qu’il se passe en Ukraine).
Ce qu’on voudrait, c’est que Sampaoli soit un entraineur lambda, le mixage parfait de Baup, Dupraz, Puel, et Courbis, ou d’être Galtier, bref d’être tout sauf lui-même. Laissez-moi rire.
En attendant, l’OM joue ce soir un match de sa coupe en chocolat. Pas sûr que ce sera si facile que ce que j’entends certains avancer. Surtout en ce moment. Si j’étais Sampaoli je serais méchant, je mettrai tous ceux qui se plaignent de ne pas jouer pour voir ce qu’ils ont dans le ventre, Milik compris bien entendu.
En tout cas, je demeure derrière lui, derrière ses joueurs, persuadé que le meilleur est à venir. Nous sommes encore sur le podium avec des matchs importants à jouer, les olympiens vont retrouver leur niveau, leur force et leur courage, ce courage que doit montrer aussi Sampaoli en restant maître de la situation. Il a encore la place pour le faire, envers et contre tous.
Un projet se construit dans le temps. Il y a des progrès, des paliers, des régressions puis de nouveaux pas en avant, il y a un an c’était panique au village, aujourd’hui on dispute le podium. Aidons tout ce petit monde en évitant les polémiques inutiles qui mettent une pression négative sur lui.
J’espère sincèrement pour le club, et pour le coach parce que je l’aime bien, qu’il se donne à fond dans son job, avec toute sa passion. Et tant pis si vous me traitez de Sampafadoli, quel que soit son destin, j’assumerai. Allez l’OM.
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B. Audibert