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Edito OM

SOUPE AU PISTOU…

Par Thierry Audibert - Publié le - Mis à jour le
Frank McCourt
Frank McCourt
Exclusive - Olympique de Marseille (OM) Frank McCourt

« Le temps qui s’enfuit, les amis qui tombent, la jeunesse tel un fruit, juste goûté, à peine tu as mordu dedans et tu te dis que ça fait rien, tu en profiteras mieux la prochaine fois… mais qué prochaine fois, fada, qué prochaine fois ? ». Le Livre de Jobi, Henri-Frédéric Blanc, éditions Le Fioupélan.

Ça vous fait sûrement ça aussi, ces moments où on s’efforce de garder le sourire et d’avancer le coeur positif alors qu’autour flotte une atmosphère de désolation ou de tristesse. Je renonce à mettre un nom sur ce drôle d’état où tu as envie d’envoyer en cul tout ce qui se présente pour t’installer pendant des heures face à la mer, ou au désert.

D’abord il y a René, René Malleville, dont le départ nous a mis un coup même si nous nous doutions, connaissant le mal dont il souffrait, et surtout les organes impactés, qu’il ne resterait plus très longtemps encore pami nous. Chacun priait intérieurement pour que ce soit le plus tard possible, et qu’il puisse se remonter pour prolonger un peu.

Je n’étais pas de ceux qui le connaissaient le mieux mais je l’aimais beaucoup, il me faisait rire et je garderai le souvenir de rencontres en seul à seul ou quasiment (peu malheureusement), c’est dans ces moments-là que tu le voyais dans sa vérité. Je n’étalerai pas le contenu de nos conversations, sérieuses ou à mourir de rire. Il était plus complexe qu’on ne le croit, René, dessous sa légendaire spontaneité. Tout à la fois gentil, acerbe, sensible et susceptible, soupe au lait même, sage et moqueur, malin. Amateur de bons mots et de musique, rassembleur, adorateur de la convivialité simple.

René vient de partir, et voilà qu’on nous prépare au départ du Boss, Bernard Tapie, son idole. Encore une nouvelle que nous redoutons tous d’apprendre. Mais croyons au miracle jusqu’au bout, parfois il advient.

Et puis, chacun d’entre nous voit roder la maladie dans la famille, s’inquiète pour ses proches, il y a aussi les blessures du coeur, les soucis d’argent, l’angoisse des fins de mois, le virus, le réchauffement climatique et les catastrophes qui commencent à l’accompagner.

Quand ce n’est pas le présent qui nous chagrine, le passé prend le relais.

Nous avons assisté lundi soir à la projection de Gunnar, l’excellent film sur Andersson, meilleur buteur encore à ce jour de la grande Histoire de l’OM. Un film qui raconte un destin poignant qui donne le vertige.

Il y a ce contraste incroyable entre les endroits simples, si paisibles où il est né et où il a grandi, fait ses premiers pas dans le foot, les terrains désolés où il s’est très tôt révélé comme un chasseur de buts redoutable, et en face, le Marseille foisonnant et agité des années 50 et 60, ce Marseille en noir et blanc, le Stade Vélodrome bourré et bruyant avec nos pères et nos grand-pères sur ses gradins. La trajectoire à l’OM qui débute par son arrivée rocambolesque, quand il se fait intercepter en gare d’Avignon par deux journalistes du Provençal qui arrachèrent ainsi une interview exclusive, et qui se termine après les traversées de la gloire et de la déchéance par cette mort dans le caniveau alors qu’il remontait la rue Breteuil, après être venu mendier (selon son ami François Misen) deux places pour le match de Coupe d’Europe du soir au siège du Provençal.

Cette projection m’a secoué. Le film vous met au bord des larmes mais aussi en colère après le club, après la ville, après tous ceux qui lui avaient caressé le dos avant de lui tourner le leur. Nous sommes sortis bouleversés Mourad Aerts et moi, surtout que nous avons ensuite discuté un bon moment avec le fils et le petit-fils de Gunnar, ce dernier lui ressemblant énormément.

Nous étions tellement sous le coup de la projection que nous avons poursuivi avec Mourad, juste tous les deux, notre conversation sur l’OM, sur Marseille, sur les choses de la vie, nous avons refait le monde en marchant lentement dans la ville, autour du Vieux-Port puis à travers les rues vides jusqu’à Castellane à l’heure du dernier métro. Moments précieux.

La vie est une soupe qu’il faut avaler, avec ses saveurs et parfois son amertume.

Et puis, en arrivant à la maison, fort tard, j’ai constaté que mes notifs twitter s’étaient passablement affolées. En cause, le passage de Mathias Manteghetti au Débat Foot Marseile du FC Marseille sur lequel je n’avais pas encore eu le temps de me pencher. L’ami Hervé Bercane m’invitait à rédiger un billet sur ce qui semblait apparaitre à ses yeux comme la grande démonstration de la véracité de ses thèses sur la vente OM, il était d’ailleurs rejoint dans cette attente par Thibaut Vézirian, celui qui les avait inspirées.

Bon, les gars, je vais vous décevoir. Rien de neuf sous les derricks.

Mathias Manteghetti raconte lui aussi qu’il a eu des infos, qu’il en a fait part à sa hiérarchie et les a mises sur la place publique juste derrière la vidéo de Vézirian annonçant l’imminence du fameux communiqué de presse. Puis, ses responsables lui ont demandé de ne plus en parler et il s’est exécuté, logique.

Deux remarques : Pas plus qu’avec Vézirian, on ne peut juger de la qualité des informateurs-source. C’est quand même emmerdant. Donner de la valeur à l’info au prétexte qu’un commandement en haut lieu aurait mis fin à son développement me semble déplacé (je ne vise pas ici Manteghetti mais tous ceux qui veulent absolument croire en la vente et appuient sur cet argument). Au mieux, la direction olympienne de l’époque, que je ne porte pas dans mon coeur, a demandé l’étouffement pour protéger une négo, ce qui prouve déjà qu’on était alors bien loin du communiqué de presse, soit ils ont clairement nié l’idée de cette vente auprès de personnes qui les connaissaient, qui ont jugé qu’ils disaient la vérité, ce qui s’est confirmé par les dénégations de McCourt au moment du remplacement d’Eyraud par Longoria.

Manteghetti nous dit ensuite qu’il n’a jamais eu l’info selon laquelle la vente était annulée, ce qui ne serait guère étonnant si les fondements de l’info-vente étaient viciés. Mais il dit aussi, que ni lui ni ses collègues de Canal n’ont plus cherché à gratter quoi que ce soit sur le sujet. Ceci pouvant aussi expliquer cela.

Arrive ensuite cet ancien joueur pro qui au nom d’un groupe d’émiratis serait entré en contact avec l’OM par l’intermédiaire de Manteghetti. Je ne remets pas en question la véracité de cette chose mais comment voulez-vous que je ne la trouve pas bizarre… un groupe d’émiratis qui aurait mandaté un ex pro, lequel a par la suite envoyé ce jeune journaliste pour établir un contact entre lui et le club ? N’avaient-ils pas d’autre moyen pour le faire ? Cette façon de procéder leur octroie-t-elle la moindre crédibilité ? Pour moi, je suis désolé, c’est non. On est au XXIe siècle, tu veux joindre quelqu’un quand tu as un certain niveau, tu peux assez facilement. Quand tu entreprends d’acheter l’OM il te faut tout de même un drôle de level, non ? Un réseau en béton. J’ai donc du mal à considérer la réponse rapportée derrière par le joueur à sa tentative auprès de l’OM, où on lui aurait dit que le club était déjà en négo.

À ce stade du présent billet, je voudrais juste rappeler que si les saoudiens, ou d’autres tout aussi puissants et ambitieux, rachetaient le club, je serais content. Que Mathias Manteghetti a toute ma considération, de même que Bercane et Vézirian. La grande différence est que le premier s’est bien gardé de donner des délais, repoussés au fur et à mesure qu’ils étaient dépassés, d’ailleurs, et qu’il a affirmé clairement ses interrogations devant le timing d’une vente qui n’a toujours pas été officialisée, sans chercher à justifier ce retard en donnant des leçons.

Si une vente devait intervenir demain ou après-demain, je promets de m’excuser platement d’avoir émis des doutes sur ce qu’ils avancent. Mais pas l’année prochaine, encore moins dans deux ans, pas plus qu’à la St Glinglin.

Il existe dans le monde du bizness des affairistes de haut vol sans scrupule qui cherchent à provoquer des ventes alors qu’il n’y a parfois ni vendeur ni acheteur. Ils peuvent avoir des entrées dans les plus grandes institutions et sont capables de produire des documents avec papier à-en-tête qui en imposent. S’ils arrivent par tous les moyens qu’ils trouvent à ce que le vendeur et l’acheteur ciblés se rapprochent et commercent, ils encaissent au passage une belle commission qui dépasse largement le temps et l’argent investis. À l’heure qu’il est, rien ne nous empêche de croire aussi que certains d’entre eux se sont manifestés auprès de nos amis journalistes, ou d’intermédiaires en lesquels ils auraient une certaine confiance.

Et puis, je ne voudrais donner aucune leçon de journalisme car je ne le suis pas, mais il me semble qu’il en est d’une info comme d’un article. Ils doivent répondre à des questions simples : qui, quoi, où, quand, comment, pourquoi. Il manque bien trop d’éléments pour rendre recevable au plus grand nombre et aux grandes institutions de presse cette idée que la vente serait faite.

Ce n’est pas parce que tu as chez toi une excellente cuisinière-maison spécialisée dans la cuisine traditionnelle, que tu as réuni les ingrédients et les meilleures marmites pour faire la soupe au pistou, que tu vantes sa qualité afin que tout le monde se pourlèche les babines que bon, c’est fait, elle sera bientôt là, dégustable à souhait.

Parce que la soupe au pistou, tant qu’elle n’a pas été placée sur la table et dans les assiettes, elle n’existe pas.

Vive le grand Gunnar Andersson, le grand Roger Magnusson… et la soupe au pistou.

Thierry B. Audibert

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