Voilà vé, il y a presque un climat de champ de bataille dans la communauté olympienne. Les marseillais en sont attristés mais la direction du club ne leur a pas laissé le choix.
Retranché à Paris, ou se rendant parfois dans La Commanderie bunkerisée en rampant comme un serpent au fond d’une voiture, sous protection policière, Eyraud a décidé d’enclencher la bataille, de franchir à son tour la ligne jaune.
L’unanimité contre eux
J’ai bien peur pour lui qu’il ait fort mal évalué la situation, ne serait-ce qu’au regard de la syntaxe approximative du mail envoyé aux associations de supporters, lequel n’avait d’autre but, une nouvelle fois, que de les intimider, de les amener à s’adoucir. Peut-être même s’agissait-il de les diviser en assurant individuellement à l’un ou l’autre plus tard une plus grande indulgence.
Il semble que la manoeuvre grossière ait tourné court. Difficile de ruser avec la population de la ville. Le chef et le sous-chef auraient du lire Le Livre De Jobi, de Henri-Frédéric Blanc : « … la science a prouvé que Marseille est le nid de tous les vices, l’école des démons qui y enseignent l’art et la manière de couillonner le monde”.
On ne couillonne pas les démons, nos deux supporters notoires de Paris vont l’apprendre à grands frais.
Dans une belle unanimité, le monde politique marseillais, RN excepté, les élus de tous bords, se sont élevés contre ce déclenchement intempestif des hostilités par la direction du club. On voit cela seulement lorsque la ville sent le souffle du danger. Alors dans ces moments, on oublie provisoirement les divisions, et la famille se réunit (hommage à René Malleville, le premier à utiliser l’expression, elle est tellement vraie, Marseille est grande mais on se connait tous) devant ses armoiries et sa devise : Actibus immensis fulget urbs massiliensis. La ville de Marseille resplendit par ses hauts faits.
Si Jacques-Henri Eyraud pense l’emporter contre cette ville, ce n’est pas dans l’oeil qu’il se met le doigt.
Notre Histoire
Les clubs de supporters ont donc coupé court à tout dialogue, ils ont eu parfaitement raison. Jacques-Henri Eyraud est plus que jamais un homme seul et assiégé qui aura construit lui-même sa propre cellule. Fade et triste, elle lui ressemble tellement.
Nos ultras de toutes associations expriment dans les virages rien de moins que notre âme. Ils l’ont admirablement magnifiée dans tous les stades d’Europe. Leurs écussons ne disparaitront jamais. Leurs chants et leurs animations constituent une partie inextinguible de notre patrimoine mémoriel. Ils ont crée des images qui font régulièrement le tour du monde. Ils sont notre fierté et une partie de notre culture. Nous ne laisserons personne les piétiner.
Je veux rappeler ici que par mon grand âge, j’ai connu le stade avant les ultras. Il était déjà coloré et fervent, bruyant, chambreur, rebelle et aussi bon enfant. Il aimait les banderoles pleines d’humour qui témoignaient d’une société heureuse. Puis en 84, une poignée de jeunes regroupés dans le quart de virage nord de Ganay lancèrent leurs premiers papelitos à l’entrée des joueurs alors que l’OM finissait de trainer en 2e division. C’étaient mes amis regroupés aujourd’hui sous le nom de Vieille Garde, les gardiens du temple. Gloire à eux.
Changement de décor en 1986 pour la finale de la Coupe de France. Le mouvement avait grandi au point de prendre en charge tout le virage marseillais. Chaque spectateur avec des ballons bleus et blanc, des écharpes qui tournaient, des chants merveilleusement synchronisés.
Ce virage explosait de vie, de fête et de joie, personne n’avait jamais vu ça en France, avec cette ampleur. Aucun retour en arrière n’était désormais possible. La légende était en marche.
Je me souviendrai toute ma vie du virage bordelais en face, les ultramarines ressemblaient de leur côté à de pauvres et inertes croquemorts.
Tapie venait d’acheter le club, et la fête marseillaise allait se poursuivre pour culminer en 1993. Depuis tout le monde est encore là, perpétue et transmet la tradition, ce qui est devenu un folklore toujours vivant, avec ses codes et ses rituels que certains qui gèrent le football veulent écarter des stades.
Une métaphore
Le cinéaste américain Joseph Mankiewicz avait inventé dans les années 60 une métaphore pour illustrer ce qu’était à ses yeux le système hollywoodien de l’époque : un producteur, un scénariste et un réalisateur errent assoiffés depuis des heures dans le désert. Ils sont au bord de la mort quand le scénariste aperçoit une forme rouge qui dépasse à peine du sable. Il la déterre avec soin, c’est une mini citerne remplie de liquide. Mais il n’y a aucune ouverture. Le réalisateur s’approche, il a l’idée de défaire sa ceinture et de pratiquer un trou dans le réservoir. C’est de l’eau fraiche, les deux hommes commencent à peine à boire quand le producteur s’amène et leur dit : « Je suis le producteur, c’est moi qui vous paye, je dois être le premier à me saisir de ça ». Il prend le réservoir, s’écarte de quelques mètres, et il pisse dedans.
Voilà où nous en sommes. Il y a Marseille, ville fière et rebelle, son club mythique magnifié par des supporters, leurs tifos que le monde nous envie, mais le président arrive et pisse lamentablement sur tout ça, devant nos yeux.
Et il faudrait le laisser faire ? L’OM, c’est nous.
À part ça il y a un match. Nous regarderons avec beaucoup de compassion comment combattra cette équipe livrée à elle-même par des dirigeants incompétents que nous ne cesserons d’encourager à partir. Que McCourt sauve son image en se séparant d’eux.
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B Audibert