Payet en a mis de partout. Pour reprendre les mots de son ancien coach, ces 90 minutes attendues par toute une ville devaient être « un match OM-OL (…) pas un match Marseille-Garcia. » Ce fut les deux. Un OM-OL, match le plus excitant du championnat de France transcendé par un anniversaire quelque peu artificiel rendu organique par des fadas intégral de leur club ET un match Marseille-Garcia. C’est simplement que Marseille n’a pas eu à choisir le champion qui allait défendre ses couleurs, il a lui-même arraché de rage les gants bleus et blancs en conférence de presse vendredi dernier…
Il est 00h40, lundi 11 novembre et la ville ne dort toujours pas. Sur le pavé humidifié par la pluie légère ayant apporté pendant ces 90 minutes d’Olympico le petit soupçon de dramaturgie indispensable à toute bataille légendaire, une cinquantaine de supporters marseillais fait le pied de grue à la sortie du stade Vélodrome. Deux noms hantent toutes les conversations : Payet, Garcia. Même le légendaire Jean-Michel Aulas, muse de tout un peuple au printemps 2018 et pourtant auteur d’une sortie remarquable devant les micros en après-match, ne parvient à se frayer un chemin dans les cœurs de ces amoureux transis de l’OM.
Des cœurs si souvent amochés ces dernières années par les coups de griffes de l’arrogant Lyon et l’insensibilité de leur ancien coach, aujourd’hui passé chez l’ennemi. Le cœur, il en était justement question dans les couloirs du stade lorsque Dimitri Payet a débriefé le match (et ses sorties tapageuses à l’égard de son ancien mentor) : « J’ai dit ce que j’avais à dire. J’ai parlé avec mon cœur. C’étaient des choses qui étaient en moi et il fallait que ça sorte, tout simplement. » Hier soir, le petit palpitant du spolié Payet battait au même rythme que ceux des 65 421 spectateurs présents. L’inassouvissement monstre ressenti la saison dernière comme carburant pour tous…
Oubliez les trois points, c’était l’orgueil d’un artiste qui était en jeu…
Avec la morve de celui qui sait être supérieur à ses adversaires…
Investi d’une mission d’une importance capitale dans sa psyché d’esthète malmené, le réunionnais s’est arraché dès les premières secondes. Il était préparé à recevoir cette constante alimentation électrique surpuissante provenant des tribunes sans se vautrer dans le lustre du court-circuit. Les interminables palabres avant de tirer son penalty ne l’empêcheraient pas de placer parfaitement son ballon en hauteur sur un côté et la pression lyonnaise dans la surface ne l’embêterait pas le moins du monde au moment de déposer astucieusement ce second but dans le petit filet opposé de Lopes. Non, pas aujourd’hui. Il était prêt !
Avec la morve de celui qui sait être supérieur à ses adversaires, il a assaisonné le tout d’une flopée d’insolentes ouvertures de l’extérieur du pied. Il fallait être présent dans l’enceinte pour ressentir l’incroyable charge émotionnelle positive dégagée par tout le stade Vélodrome sur chaque geste de classe de son numéro 10. Puissant, physique, enivrant. De quoi légitimement plastronner devant un Garcia, à nouveau à côté de son sujet dans un gros match.
La recrue star du déchu OM Champions Project a offert une revanche exquise au Vélodrome. L’honni Garcia est au sol dans son short arborant les couleurs du véritable rival de ces dix dernières années. De la morve et de l’amour propre, le public marseillais n’en demandait pas plus. Ou si justement, il en demande plus de matches terminés avec des crampes « émotionnelles plus que de fatigues. »
Ses futures performances seront forcément scrutées à l’aune de ce nouveau référentiel qualitatif, le retour à l’ordinaire ne sera pas toléré sur la longueur. Depuis 2013, Marseille a vécu trop de bas et pas assez de hauts avec son champion présumé.
Il sera temps d’en reparler un autre jour car pour le moment sa performance jouissive offre aux supporters marseillais quelques nuits peuplées de souvenirs positifs. C’est à ça aussi que servent les esthètes…