Aïoooli mon cher Rudi Garcia
C’est comme supporter de l’OM que je m’adresse à toi, c’est la seule légitimité que je m’attribue pour le faire, supporter depuis pas tout à fait 50 ans, il manque un an et demi et on sera bon. Cette saison est sur le point de virer à l’échec, à la catastrophe industrielle, pour l’Olympique de Marseille, c’est sans doute un peu tôt pour l’affirmer mais je ne parviens plus à me persuader du contraire, tout juste ai-je le souhait dérisoire de voir changer les choses, voire d’y contribuer par ces lignes, et je veux te dire deux mots là-dessus.
Je n’appartiens pas au cercle des mécontents permanents. La saison dernière, j’ai même été un des rares à rester rangé derrière toi après la raclée prise à Monaco, suivie de celle au vélodrome contre Rennes. J’ai très bien fait, tu t’en es bien tiré avec de grands moments dont nous saurons toujours nous souvenir. Cette saison aussi, j’ai encore nourri à ton égard une forme d’indulgence. D’abord, parce que contrairement à des plus jeunes, je suis patient, j’ai conscience que l’actionnaire n’a pas les moyens de nous acheter les top joueurs que mérite pourtant l’Olympique de Marseille, et puis j’ai observé que tu n’as guère été aidé par les circonstances.
Des joueurs majeurs qui reviennent moins investis à la Commanderie auréolés d’un titre de Champion du Monde, c’est vrai qu’ils se sont persuadés de l’être vraiment autant que les autres, des recrues qui tardent à montrer leur potentiel, j’ai même pas envie de te rappeler qu’ils incarnent tes propres choix. J’ai observé aussi et je te le mets volontiers dans la colonne circonstance atténuante, que les renforts que tu souhaitais avec justesse à deux postes importants, latéral gauche et avant-centre, ne t’ont pas été offerts. Tu as bien essayé de faire sans, et il faut reconnaître que tu n’y es pas parvenu. Tout le monde s’accordera à peu près sur l’idée que la caractéristique de ton équipe jusqu’au mois de janvier se trouvait dans un jeu d’attaque prévisible et inoffensif (ne dis pas non, moi aussi je prends des notes pendant les matchs), alors que derrière, elle a montré bien trop de fragilité défensive, le tout nous amenant à un beau déficit de points à date par rapport à la saison dernière, et ce alors même que nous nous sommes fait sortir de toutes les compétitions.
Difficile de marquer des buts avec un Mitroglou sous-investi (et je ne vais pas ici me demander pourquoi), je te l’accorde, un Germain timide et en-dedans, un N’Jié sur courant alternatif quand il n’a pas deux fils qui se touchent. Peu de solutions, et l’obligation de souvent démarrer le match avec une compo à chaque fois différente. Je ne peux pas te rendre responsable de la défaite à St Étienne contre le modeste club d’Andrézieux. Les joueurs, ce jour-là, ont rien de moins que piétiné les valeurs du club, parmi lesquelles, la vaillance, l’audace, la fierté. J’ai observé qu’il était possible que les joueurs souffraient peut-être tellement de l’absence de buteur devant, qu’à la fin ils ne remontaient plus le ballon avec tout l’enthousiasme nécessaire. Et de fait, lorsque Balotelli est arrivé, il m’a semblé que j’avais peut-être vu juste.
On a cru voir qu’effectivement, avec un vrai 9, c’était un peu plus facile pour obtenir ce jeu vertical par lequel passent les grandes victoires.
Bordeaux, que Balo n’a pas joué, mais surtout Dijon et Amiens, ont montré que l’équipe reprenait de l’allant avec l’italien tout en haut de sa composition. Mais à Rennes, nous avons eu l’impression de faire un grand bond en arrière. Balotelli ou pas Balo, nous nous sommes fait rentrer dedans comme jamais par une équipe qui avait joué deux jours et demi plus tôt un match intense d’Europa League, à l’extérieur en plus. Très franchement, je ne parviens toujours pas à distinguer où se trouve ton travail. Cette équipe ne progresse pas. Tu as beau changer les hommes et les systèmes, dès que les adversaires montent en intensité, en agressivité, en initiative, ton équipe devient le FC Kasper, le champion de la transparence. Nous n’avons battu personne de consistant depuis que tu es là, et j’ai bien peur que cela ne se répète tant que tu seras à la tête de ce club. Rennes est pour moi le match de trop. J’ignore pour quelle raison obscure ton équipe n’est jamais au rendez-vous de la première à la dernière minute, surtout à ce moment avancé de la saison.
Pourquoi tu lui en demandes si peu quand tes confrères, même les plus récents (Julien Stéphan à Rennes) semblent obtenir des joueurs prêts à mourir pour eux sur le terrain. Cher Rudi Garcia, j’ai bien peur que ce ne soit pas seulement une question d’effectif, ou de budget, ni qu’il y ait trop de pression à Marseille, ce qui rendrait ce club ingérable. On nous rapporte que tu ne lâches rien. Que tu cherches des solutions de manière incessante. On t’a vu, et je t’en fais le reproche, t’empresser de faire le tour des médias parisiens après ta première série de trois victoires depuis l’an pèbre contre trois clubs de quartier. C’était petit. On t’a vu aussi mal répondre à l’un des journalistes marseillais les plus sympas qui t’interrogeait sur certains de tes repositionnements pas toujours heureux. J’imagine bien que que tu as plein de justifications à nous servir à nous, si incompétents. Il n’en demeure pas moins que j’ai rarement vu en un peu moins de 50 ans une équipe marseillaise se faire rentrer dedans comme à Rennes ce dernier dimanche. Je n’ai jamais eu autant honte de mon équipe.
Et je crains que plus personne désormais ne supporterait de voir encore une fois un tel néant. En conclusion, mon cher Rudi Garcia, à moins qu’un déclic miraculeux ne finisse par valider toutes tes options (encore faudrait-il les connaître plus précisément) et nous permettent in-extremis de finir à l’objectif, sur le podium, je te souhaite de finir au mieux la saison et de tirer ta révérence. Je pense, et ça n’engage que moi, mais d’autres l’ont dit bien avant cette lettre, et je les rejoins volontiers, que tu n’es pas fait pour continuer à être l’entraîneur de l’OM. En aucune façon tu ne peux porter encore le Champions Project, à considérer qu’il existe encore. Si Jacques-Henri Eyraud le souhaite, il est invité à partir aussi. Stop !!!
Vive le grand Roger Magnusson !
Thierry B. Audibert