L’arrivée fin Janvier à l’Olympique de Marseille de Grégory Sertic en a surpris plus d’un. Rapidement les bruits sur un conflit d’intérêt impliquant Rudi Garcia et les agents qu’il partage avec l’ex-bordelais ont fait leur chemin jusqu’aux oreilles d’un public marseillais devenu expert en la matière. Le système Courbis, Mondial Promotion, Meïssa Ndiaye…
Ne mélangeons pas tout et éloignons d’entrée les suspicions de commissions parallèles pour Garcia, vraiment pas le style du bonhomme. Par contre qu’il écoute beaucoup ses agents sur le recrutement…
Un scout étranger confirmait d’ailleurs le 8 Juin 2017 à L’Équipe, l’importance des frères Boisseau (puisque ce sont d’eux dont il s’agit) dans le recrutement marseillais.
Extrait de l’article « France, marché couvert » par Hugo Delom
Plus récemment, c’est Daniel Riolo qui dans l’émission Team Duga du 23 Juin soulignait cette influence : « Depuis que Garcia est arrivé, à chaque fois qu’il y a un début de bruit de joueur approché, c’était dans la Garciasphère. Les gens que lui connaît, les gens que son agent connaît. »
Mais qui sont les mystérieux frères Boisseau ?
Pascal et Sébastien Boisseau sont deux frères pilotant la structure d’agents BSP International.
Première surprise, cette société n’est pas basée en France mais en Tunisie. Si hypothétiquement, cela pourrait poser problème, en pratique ce montage « est toléré » selon Charles Le Lez, fiscaliste spécialiste des affaires du Sport et enseignant à l’UCO d’Angers. Cette subtilité leur permet tout de même en théorie d’échapper à l’impôt sur les sociétés en France pour le payer en Tunisie à prix cassé (25% d’imposition contre 33% en France).
Avec une réserve cependant posée par Mr Le Lez: « sauf s’il y a un établissement stable en France, dans ce cas ils devront payer en France. » Nous avons cherché, nous n’avons pas trouvé. Donc, à priori…
Dans tous les cas, c’est une facture tunisienne qu’ils avaient présenté au TFC en 2006 pour la prolongation de Nicolas Douchez. Le club toulousain avait dans un élan de fièvre réglementaire (un virus très peu propagé dans ce milieu) refusait de payer la commission due à BSP International sous prétexte qu’en tant que société tunisienne, il leur fallait une autorisation spéciale pour exercer le métier d’agent et facturer une prestation en France.
Car voilà la deuxième particularité des frères Boisseau : un seul des deux possède une licence d’agent FFF. Il s’agit de Sébastien. Pascal, lui, est domicilié en Espagne et possède le statut d’ « intermediario » à la RFEF, la fédération espagnole. La loi française est, sur le papier, très claire, il faut une licence d’agent FFF pour pouvoir exercer la profession sur le territoire nationale, là, où la loi internationale est plus souple grâce à la grande déréglementation organisée par la FIFA en 2015.
La logique serait donc que Sébastien, agent FFF, gère les transactions en France lorsque Pascal, agent RFEF, s’occupe des transactions à l’international. Pourtant ni Rudi Garcia ni Grégory Sertic n’apparaissent parmi les mandats de Sébastien enregistrés à la fédération française.
Les joueurs et clubs avec qui Sébastien Boisseau a déclaré des mandats cette année
Ce serait donc soit via Pascal soit via la société BSP International que ces deux transactions auraient été finalisés. Surprenant lorsque l’on a une licence FFF à disposition mais plus astucieux lorsque l’on veut garder un fonctionnement opaque.
Proches de leurs clients, discrets en dehors des terrains et durs en affaire
Dans les médias, ils n’attirent pas la lumière et cherchent à ne surtout pas l’attirer. Leur parole est distillée avec parcimonie à un minimum de journalistes. Il leur est même arrivé de passer par des agences de communication pour nouer des contacts indirects avec certains confrères.
Joyeux anniversaire !!!
Feliz cumpleaño !!!
Happy birthday !!!
Auguri Mister !!!
???? https://t.co/f82uQZjGA0 pic.twitter.com/cfC7luOq2O— Boisseau Pascal (@boisseaupascal) 20 février 2016
L’une des rares photos de Pascal Boisseau sur Internet via son compte Twitter
Ce qui est certain, c’est qu’ils ne sont pas arrivés à la tête de leur énorme catalogue de joueur par le fruit du hasard mais par un travail acharné. En prenant des risques également, comme lorsqu’en 2002, ils entrent au capital de Grenoble presque à la manière d’un fonds d’investissements. Cette affaire fera beaucoup parler notamment sur l’ambiguïté de leur double statut actionnaires/agents.
Ils finiront par revendre leurs actions du club isérois à bon prix, liquideront leurs anciennes entreprises (BMB Conseils France et BMB Conseils Espagne) et repartiront de plus belle sous la bannière BSP International basé en Tunisie, donc. Limpide, non ?
Tous ces détails administratifs, judiciaires et fiscaux n’intéressent pourtant que très moyennement les joueurs et entraîneurs à la recherche d’un agent. Leur habilité à négocier le contrat le plus avantageux a par contre une portée bien plus importante. Selon le journaliste Romain Molina, « ils n’hésitent d’ailleurs pas à passer en force et à aller au clash pour ça. » L’auteur de Galère Football Club et Unaï Emery, El Maestro pense savoir que l’attitude de Gervinho pour s’en aller d’Arsenal a par la suite compromis l’arrivée de Morgan Schneiderlin dans ce même club. Les deux joueurs faisant partie de l’écurie Boisseau.
Au final, Gervinho partira rejoindre Rudi Garcia à la Roma et Morgan Schneiderlin finira à Manchester United. Tout le monde est heureux, ou presque. Car durs en affaire, ils le sont également avec leurs clients ne satisfaisant pas à leurs obligations. C’est ainsi que lorsque Emmanuel Éboué ne s’est pas acquitté des 1,1 millions d’euros qu’il devait à Sébastien Boisseau, l’affaire s’est retrouvée devant les tribunaux. Résultat ? La FIFA a donné raison à l’agent, condamné le joueur à payer tout en le suspendant un an de toute activité.
Une situation inhabituelle au sein de relations de confiance avec leurs clients. Ce n’est pas Morgan Schneiderlin qu’ils invitaient déjà dans leur villa barcelonaise en vacances alors qu’il n’était qu’un post-adolescent qui vous dire le contraire. Ni Rudi Garcia qui dans son autobiographie Tous les chemins mènent à Rome décrit de cette manière sa relation avec son agent : « J’ai toujours travaillé en confiance avec Pascal, qui ne m’avait jamais emmené sur des chemins de traverse. »
Dans cette même autobiographie, l’ex de la Roma dépeint un accompagnement de tous les instants de la part de ses agents. Une relation forte qui doit forcément peser lorsque ceux-ci lui soumettent des noms de joueurs. Peut-être pas un hasard si depuis l’arrivée de Garcia à l’OM, les profils de Morgan Schneiderlin, Kévin Gameiro, Jérémy Mathieu et même Gervinho ont été étudiés.
En attendant un seul client des frères Boisseau a revêtu la tunique olympienne depuis l’intronisation du nouvel entraîneur, un signe que personne n’est tout puissant dans le recrutement actuel.