Vente OM : Gaudin veut avoir son mot à dire par FootballClubdeMarseille
Faouzi Djedou-Benabid, recruteur professionnel, a accepté de répondre aux questions de Football Club de Marseille. Le problème de la formation à l’OM et dans l’ensemble du football français, le rôle de la cellule de recrutement et son sentiment sur la vente du club, l’auteur du livre « Pourquoi le foot français va dans le mur » ne mâche pas ses mots. Entretien.
Faouzi Djedou-Benabid : « Il y a 95% d’échec dans les centres de formation français »
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Faouzi Djedou-Benabid, selon vous, y a t-il un problème avec la formation à l’OM ? Si oui, lesquels ?
Faouzi Djedou-Benabid : La formation à l’OM avait pris dix ans d’avance avec Bielsa, elle a reculé de dix ans en l’espace de 6 mois. À la fois c’est à l’image de l’ensemble de la formation française, à la fois le recrutement est médiocre. Les mecs en place se chient tellement dessus pour renouveler leurs contrats tous les deux ans qu’ils préfèrent la gagne plutôt que de faire progresser les jeunes. Aujourd’hui, notre formation est réduite à cet état de fait. Contrairement à ce que l’on pense, l’OM, comme dans beaucoup de clubs en France, recrutent beaucoup de jeunes issues de la classe moyenne supérieure. Tu regardes les centres de formation à l’heure actuelle, 70% des gamins sont d’origine européenne, et ces gens-là, il faut le dire, sont pris par copinage, ils ne savent pas jouer au football. Comme ils suivent un peu mieux à l’école, on les prend. J’entends beaucoup de gens dire qu’il y a beaucoup de maghrébins dans les centres, c’est faux. Vous savez, il y a 95% d’échec dans les centres de formation français. On n’y apprend rien, on n’y prépare plus rien, on met juste les enfants dans la difficulté, la discipline… C’est un crève-cœur. Mais quand j’entends que l’OM est le pire du pire, il y en a d’autres qui travaillent encore moins bien que l’OM. Bordeaux, Montpellier, Sochaux, Lorient, c’est une catastrophe. Rennes ne travaille pas excessivement mieux que Marseille, contrairement au classement qui ne se base pas sur des critères purement sportifs. Le seul centre de formation qui bosse vraiment bien, c’est Lyon. Tout le reste, c’est du pareil au même. Après, l’OM et le PSG sont victimes de leur succès, ce sont des clubs de stars où il est difficile de faire jouer des jeunes. Les gamins, même s’ils sont bons, comme Boutobba à l’OM, préfèrent partir car on ne leur garantit pas du temps de jeu. Ce n’est même pas une question d’argent… Mais à Marseille, on ne sait pas y faire. Même dans les trois derniers matches de Ligue 1 qui comptent pour du beurre, ils n’ont pas voulu faire jouer ni Lopez, ni Boutobba, ni Chabrolle…
À l’OM, est-ce qu’il y aurait également un problème avec la détection des jeunes dans le bassin méditerranéen ?
F. D.-B. : Quand tu t’appelles l’OM, tu n’as pas le droit de faire des détections. Tu envoies des recruteurs sur le terrain et tu leur demandes des résultats. En France, on croit que payer un recruteur, c’est jeter de l’argent par les fenêtres. Je travaille pour un petit club professionnel et je vois 400 matches par an. Pourquoi un recruteur de l’OM irait en voir 50 ? Ce n’est pas normal. Mais le problème de l’OM et plein d’autres clubs, c’est qu’on y place des recruteurs entre 60-70 ans qui préfèrent aller voir leurs petits enfants le dimanche matin… La majorité des clubs professionnels recrutent dans les pôles Espoirs dans lesquels ne figurent pas les meilleurs. Les meilleurs sont pris sur dossier… Et ce n’est pas le cas des jeunes qui intègrent les pôles Espoirs, qui sont plus souvent là par copinage. L’Olympique de Marseille puise ses jeunes là-dedans pour la plupart. Tu ne peux pas avoir de bons gamins si tu ne prends pas des recruteurs qui sillonnent toute la France comme ils font à Lyon… Saint-Etienne, c’est une boucherie. Il n’y a pas un seul bon joueur. Il faut arrêter de nous prendre pour des cons. La formation à la française ne vaut plus rien. Pourquoi les grands clubs européens viennent chercher nos jeunes ? Parce qu’ils sont bons à la base et ils veulent développer ces aspects. Ce qui est important dans le recrutement, c’est le suivi à long terme. Si tu mets un jeune à l’essai, il va se défoncer pendant une semaine, te montrer une image qui n’est pas la sienne, puis plus rien. Alors que si tu le maintiens sous pression pendant plusieurs mois, il va tout faire pour progresser. Les clubs sont très mal organisés puisque les décideurs sont conseillés par des gens de l’intérieur. Ils restent donc en circuit fermé. Alors que le monde amateur est rempli de personnes bourrées de qualité, et celles-ci ne sont pas récompensées de leur compétence alors que d’autres le sont de manière injustifiée, comme les anciens pros par exemple.
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Faouzi Djedou-Benabid : « En France, les agents regardent leur poire et ne se soucient pas de leurs joueurs, des parents, de l’intérêt du club… »
Comment travaille la cellule de recrutement de l’OM ? On loue le travail de Jean-Philippe Durand en coulisses, ainsi que celui de François Brisson et Michel Flos. Les connaissez-vous ? Quelles sont leurs méthodes ?
F. D.-B. : Je les connais. Ils font le boulot, mais ce ne sont pas des cadors non plus. Mais à l’OM, on veut s’en servir uniquement quand on est dans la merde (sic), en dernier recours. Or, on doit s’en servir en premier recours. Comparons avec Lille, ils ont 20 recruteurs, ils s’en vantent même. Mais à quoi servent-ils ? Ils vont cueillir plein de coquelicots dans les champs pour les présenter au président, qui dit finalement « jetez-moi tous ces coquelicots, ils sont moches. » À l’OM, c’est pareil. Les recruteurs ramènent des dossiers et c’est Labrune qui décide. Est-ce que Labrune sait ce qu’est un joueur de football ? Ces mecs décident de choses qu’ils ne maîtrisent pas, ils font juste du business, ils cherchent juste la bonne affaire. C’est pour ça que Labrune ne s’est pas entendu avec Bielsa. Bielsa est dans le football, alors que Labrune est dans le business, il préfère discuter avec les agents… La seule chose qu’il a pour lui, c’est d’avoir ramené Bielsa.
Vous êtes un homme de l’intérieur (Faouzi Djedou-Benabid est recruteur à Niort, ndlr). On parle souvent de l’influence négative des agents sur les jeunes, notamment dans le bassin méditerranéen. Quel est votre regard à ce propos ?
F. D.-B. : 95% des agents ne comprennent rien au football. Personnellement, j’en connais 2 en France qui donnent encore de bons conseils aux joueurs, pas plus. Ce sont des passionnés de football. Tout le reste, ce sont des clowns. Les agents français ne sont même pas bons car ils font de l’artisanat. Ils prennent leur argent et c’est tout. Jorge Mendes, l’agent portugais, a crée une grosse société et a investi partout en Europe. Il place des entraîneurs portugais partout, des joueurs portugais partout. Ce n’est pas anodin. En France, ils regardent leur poire et ne se soucient pas de leurs joueurs, des parents, de l’intérêt du club… L’entourage du joueur est aveuglé : « t’es le plus fort, ils sont racistes, ce n’est pas de te faute. » Le joueur est caressé dans le sens du poil. Alors que si le joueur est mis en danger, il va se bouger ! S’il dort tôt le soir, s’il s’alimente bien, c’est par ça qu’un jeune va réussir. Ce n’est pas un agent qui va le faire réussir. Et surtout, quand il sera dans la merde, personne ne viendra lui en sortir. Ces agents sont une horreur. Et les présidents de clubs se laissent berner… Un jeune ne va progresser que s’il répète un même geste 200 fois par entraînement pendant 6 mois… Mais ça, on ne le comprend pas en France.
La vente de l’OM fait l’objet de nombreuses spéculations dans la presse. MLD a notamment rencontré ce mardi le Maire de Marseille concernant la reprise du centre de formation par la section professionnelle. Avez-vous des retours à ce sujet ? Pensez-vous que le club peut être vendu avant la reprise du championnat ?
Pour le centre de formation, c’est son organisation qui importe, que ce soit l’association ou la section professionnelle qui le gère. L’essentiel est de savoir si tu ancres ton projet dans une dimension locale. Pour la vente, je pense que MLD veut tout contrôler. Comme je l’ai dit précédemment, les investisseurs viendront du Golfe Persique, plus précisément de Dubaï, par l’intermédiaire de l’Italien (le banquier Victor Pablo Dana, ndlr). J’ai eu écho de discussions avec les avocats de MLD. Pas plus.
Propos recueillis par Bryan Gironis